L’odyssée de la SF – Michel Chion dresse un inventaire argumenté du cinéma de science-fiction à travers ses films et ses thématiques. Passionnant.

De Michel Chion. Éditions des Cahiers du cinéma. 416 pages.Genre cinématographique populaire par excellence, la science-fiction demeure le terrain naturel de mutations les plus diverses. Démonstration, ces derniers mois encore, avec des avatars aussi différents que The Happening, de Night M. Shyamalan, Cloverfield, de Matt Reeves, Journey to the Center of the Earth, d’Eric Brevig et, bien sûr, Wall-E, d’Andrew Stanton.

Dressant un panorama exhaustif de la SF, en même temps qu’il s’emploie à la (re)mettre en perspective, l’ouvrage de Michel Chion – un auteur bien connu des cinéphiles pour ses travaux sur le son au cinéma, mais aussi pour ses études consacrées à David Lynch, Stanley Kubrick et Jacques Tati – vient donc à point nommé. On y verra un inventaire argumenté du cinéma de science-fiction, en forme de somme érudite mais point hermétique pour autant.

Entre robots et femmes portées

Michel Chion s’attache, en préambule, à identifier les sources historiques et littéraires de la SF, avant de tenter d’en circonscrire les champs. Mieux qu’une introduction, voilà qui a le don de déjà plonger le lecteur dans le vif du sujet. A la rencontre, notamment, des Wells et Verne dans un premier temps; des figures constitutives de l’imagerie d’un genre littéraire peuplé de robots et de femmes portées ensuite… Le décor ainsi planté, le c£ur de l’ouvrage tient dans un historique du genre évalué à travers ses films, que l’auteur envisage dans leur chronologie. Du Voyage dans la lune, de Méliès, à Wall-E, voilà décrypté un siècle de cinéma de science-fiction, suivant un découpage par périodes qui ajoute la pertinence à la clarté. Non content de rappeler, force exemples à l’appui, combien la science-fiction reflète les craintes et espoirs de son époque – le péril nucléaire dans les années 50 et 60; le sauvetage de la planète d’un désastre écologique à partir des années 70… -, l’auteur instruit également de nombreuses hypothèses séduisantes, liées tantôt à l’évolution même du médium (la multiplication récente des sources épuisant l’imagerie), tantôt à des phénomènes ponctuels. Ainsi, par exemple, à la fin des années 50, de l’émergence des « jeunes », avec leur culture propre, avec pour corollaire « l’idée du jeune comme Martien, et donc pourquoi pas du Martien comme jeune » – rupture générationnelle que traduira notamment Le village des damnés, de Wolf Rilla.

La Joconde du cinéma

Si l’on a là un corpus rien moins que touffu, l’ouvrage ne s’en tient pas exclusivement aux enjeux théoriques et formels. A travers l’analyse des films, de The Invisible Man, de James Whale, à King Kong, de Peter Jackson; de The Invasion of the Bodysnatchers, de Don Siegel, à 2001: a Space Odyssey, de Kubrick, « Joconde du cinéma », c’est à un véritable plaisir de lecteur/spectateur que convie l’auteur. Un auteur qui ne perd d’ailleurs pas de vue le caractère souvent éminemment ludique de la science-fiction, souligné dans les filmographies accompagnant chaque chapitre, ou rappelé au détour d’une appréciation. S’agissant, par exemple, de Terminus, de Pierre- William Glenn, avec Johnny Halliday, Michel Chion y va de ce commentaire lapidaire: « Même l’ordinateur joue mal. » Un must pour amateurs du genre, et au-delà…

Jean-François Pluijgers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content