Alors que Cat Power sort un album de reprises, les nouvelles fées du folk pointent le bout de leur baguette. Magique.

C’est l’histoire d’une génération qui tourne le dos au show-biz et au tumulte urbain. L’histoire d’une renaissance. Culturelle, artistique, individuelle. Depuis quatre ans, il souffle sur le folk un nouveau vent de fraîcheur. La guitare en bois tient la corde. Et Devendra Banhart n’y est pas étranger.

Si 2004 marque les sorties de Nino Rojo et Rejoicing in the hands, deux splendides albums du barbu aux allures christiques, c’est également l’année de La Maison de mon rêve, le premier disque de Bianca et Sierra Casady plus connues sous le nom de Coco et Rosie.

Qu’on se le dise, le folk est aussi une affaire de femmes. Elles sont nombreuses aujourd’hui à se partager l’héritage des Karen Dalton, Anne Briggs et autre Sandy Denny. D’abord parce que les temps sont durs et que, peu importe qu’elles soient nées dans les roses ou les choux, le folk est un lieu d’expression privilégié pour les artistes mal dans leur peau.

Elle n’a rien d’une protest singer mais c’est à une période difficile de sa vie, pendant le divorce de ses parents, qu’Alela Diane a commencé la guitare. Il y a quelques semaines, avec deux bonnes années de retard, l’Américaine de 23 ans sortait en Europe The Pirate’s Gospel. Un disque renversant, délicat. Une voix sans âge et des chansons toutes simples qui vont droit au but. Et droit au c£ur aussi. « Une chanteuse folk, j’imagine que c’est quelqu’un qui a une approche de la vie assez simple. Sans gadgets, ni superflu. Proche de la nature », tente-t-elle de définir.

Comme ses amies Mariee Sioux et Alina Hardin, Alela vient de Nevada City, patelin californien de 3 000 âmes où avait déjà fleuri le talent de Joanna Newsom. Là-bas, tout au loin, à l’ouest des Etats-Unis, on sait apparemment comment s’y prendre pour ne pas laisser faner les fines fleurs.

UN PARFUM BEATNIK

Mais il ne faut pas nécessairement s’en aller jeter l’oreille à l’autre bout du monde pour se laisser bercer. Le folk est partout. Dans la mode, la publicité, les génériques d’émissions télé… Les caves, les chambres et les greniers. La simplification et la démocratisation des outils d’enregistrement ont évidemment joué un rôle dans ce mélodieux raz-de-marée. Et puis, grâce à Internet, les artistes n’ont plus besoin qu’on leur donne la parole. Ils la prennent.

En Europe aussi, les filles sont folk. Il suffit d’épingler le Fisherman’s woman (2004) de la délicate et délicieuse Islandaise Emiliana Torrini, l’ Adieu Pony (2006), enregistré entre Paname et Los Angeles avec Noah Georgeson, de la sarcastique Parisienne Constance Verluca. Ou encore L’autre bout du monde d’Emily Loizeau, première signature française du label Fargo. Ses textes parlent principalement de l’enfance et de la mort. Deux véritables obsessions pour une fille qui a perdu son père en 1998. Peu importe qu’elle soit avant tout pianiste. « Je ne pense pas que le folk doive se résumer à un gars ou à une fille avec une guitare, déclarait Panda Bear (Animal Collective) dans l’émission Tracks sur Arte. Pour moi, c’est davantage l’expression d’un mode de vie, l’expression d’une culture ou d’une communauté.  »

Communauté. Le mot est lâché. Sans nécessairement parler de peace and love, de hippies et de flower power, nombre de ces folkeurs et folkeuses placent les relations humaines harmonieuses au centre de leur démarche artistique. Ils préfèrent les failles de l’homme à la perfection froide. Multiplient les collaborations. S’invitent sur leurs albums respectifs et enregistrent leurs disques entre amis. Ils se plaisent, souvent, à déterrer des trésors enfuis du passé et s’osent, parfois, à créer leur label pour éviter les oublis désobligeants du marché.

Originaire de Houston, installée à Baltimore, Jana Hunter est la première signature de Gnomonsong, la petite structure d’Andy Gabic (Vetiver) et de Devendra Banhart. Un Devendra Banhart à qui l’on doit, en partie, la deuxième vie de Vashti Bunyan. Trente-cinq ans de silence après la sortie passée inaperçue de son premier album, Just Another Diamond Day, l’Anglaise réapparaissait en 2005 avec Lookaftering. En décembre dernier, une collection de singles et démos enregistrés entre 1964 et 1967 sont rassemblés sur une compilation hautement recommandable intitulée Some Things just Stick in your Mind.

Chan Marshall a dû, elle aussi, ronger son frein avant de frapper les esprits. Si You are free, en 2003, bénéficiait déjà des collaborations d’Eddie Vedder (Pearl Jam) et Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters), Cat Power, 36 ans et huit albums à son actif, a patienté pour gagner la reconnaissance du grand public. Attendu en quelque sorte que la jeune génération brise la glace. Les Diane Cluck et autre Josephine Foster ne devraient plus rester bien longtemps sur la banquise.

Compilation: Even Cowgirls get the blues, distribué par Fargo.

TEXTE JULIEN BROQUET

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