Les deux mousquetaires

Pour atténuer le traumatisme causé par les attentats de Charlie Hebdo, Catherine Meurisse s’est tournée vers delacroix et dumas.

Il y a deux parties dans l’oeuvre de Catherine Meurisse: celle d’avant et celle d’après les attentats de Charlie Hebdo. La première est légère. Nous y découvrons une autrice à l’humour ravageur, fille spirituelle de Reiser et de Bretécher, et amoureuse de la littérature française. Le trait est nerveux, accentuant la dichotomie entre le sujet « sérieux » et la liberté de ton. La deuxième période est similaire, mis à part une chape de plomb qui s’est abattue sur son travail, les terribles événements ayant tempéré sa fougue frivole. Dans le sublime La Légèreté paru en 2016, Catherine Meurisse s’interrogeait sur la façon de retrouver cette insouciance. C’est en expérimentant le beau que la paix lui reviendra, pensait-elle. En passionnée du XIXe siècle, elle s’était déjà tournée vers Dumas et Delacroix dan Causerie sur Delacroix, paru en 2005 aux éditions Drozophile, ouvrage depuis longtemps épuisé. Sobrement intitulé Delacroix, il nous revient chez Dargaud, agrémenté de superbes nouvelles aquarelles de l’autrice, directement inspirées des grands tableaux du maître. En 1864, un an après la mort du peintre, ses tableaux sont exposés à la Société nationale des Beaux-Arts où, lors d’une visite organisée, son ami Alexandre Dumas servit de guide. Dans sa causerie, l’homme de lettres faisait revivre avec panache la carrière de son ami disparu, l’incompréhension de la critique face à son art, agrémentant son exposé d’anecdotes émouvantes et cocasses.

Les deux mousquetaires

Le pont des arts

Meurisse s’empare du texte de Dumas pour l’inscrire dans la période contemporaine. Elle insère ses dessins comme des notes dans la marge, donnant une nouvelle visibilité au texte original. La retranscription manuscrite nous rapproche de l’écrivain et les dessins en couleur directe « à la manière de » permettent au lecteur de revisiter l’oeuvre du peintre avec un regard nouveau sur son travail chromatique exceptionnel. Ce qui a toujours intéressé Catherine Meurisse est le pont entre les arts, magnifié ici par deux figures majeures.  » L’intérêt de cette causerie de Dumas sur Delacroix -et c’est pour cette raison que je m’en suis emparée-, explique-t-elle, c’est qu’elle n’est pas l’oeuvre d’un critique d’art. Dumas se qualifie d’emblée de « frère des peintres « , et la notion de fratrie revient souvent dans ses écrits. Ému à l’évocation de ses amis artistes venus décorer son appartement pour préparer un bal costumé, il parle « d’une sainte fraternité dans l’art « , expression qui me plaît. » Gageons que l’autrice puisse enfin retrouver un peu de paix et de légèreté après cette magnifique réédition. Dargaud ressort également Drôles de femmes, sept portraits de femmes, autrices et comédiennes interviewées par Julie Birmant, et mis en images par Catherine Meurisse.

Delacroix

D’Alexandre Dumas et Catherine Meurisse, éditions Dargaud, 140 pages.

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