Avec son nouveau 22 Dreams, Paul Weller réalise une ouvre copieuse qui embrasse tous les styles – du r’n’b à l’electronica -, avec un appétit vorace d’auteur-compositeur. Petit guide d’un grand musicien anglais.

C’est du Weller? One Bright Star évoque bien plus les bord(el)s de La Havane que les pastorales du Surrey ou les descentes funky du Londres auxquelles le quinqua anglais – depuis le 25 mai – nous a habitués. Belle surprise que ce 22 Dreams où Weller prend le contrepied absolu de l’actuelle frigidité discographique pour nous embarquer dans vingt-et-une chansons et septante minutes absolument diversifiées. On renoue avec le meilleur folk-rock vibratoire ( Invisible, Where’er Ye Go) et son funk-rhythm’n’blues fait chauffer la braise ( All I Wanna Do, Push It Along). Mais Weller explore, invente, brade les frontières. Se permet un electronica d’épouvante ( 111), un monologue parlé avec Dieu (God), taquine un solo de trompette signé Robert Wyatt ( Song For Alice), se prend une raclée psyché ( Echoes Round The Sun), perd superbement la boule ( Empty Ring). Le tout sous prétexte d’évoquer le passage des saisons: un pari que seuls la qualité des chansons et le caractère impétueux du chanteur peuvent concrétiser. Incohérence ou stratégie bizarre? Non, Weller est plus complexe que ses apparences unidimensionnelles. La preuve…

Politiquement correct? A ses tout débuts, parce que The Jam (le groupe qu’il formait avec Steve Brooks) joue du symbole de l’Union Jack et ne craint pas de révérer les ancêtres musicaux mods, Weller se retrouve d’autant plus affublé d’une étiquette « conservatrice » qu’il annonce soutenir le parti de Thatcher aux législatives de 1979! Lubie balayée par le contenu des chansons ultérieures de Jam. Weller supporte la grève des mineurs contre Thatcher et fonde le mouvement pro-Labour Red Wedge en 1987. Depuis lors, ce fils d’ouvrier supporte la gauche, tout en critiquant vivement le blairisme…

Admirateurs. Le plus célèbre est Noel Gallagher, moitié des frères gros sourcils d’Oasis. Il a découvert Weller/The Jam via The Smiths et The Stones Roses, eux-mêmes très inspirés par le trio bouillant de Paul. Autres supporters affirmés: Carl Barat (Libertines, Dirty Pretty Things) et… Robert Wyatt.

Usage de stupéfiants. Hormis une capacité de descente au pub qui ridiculise tous ses copains stars – à commencer par Noel Gallagher -, Weller a également vécu ses « années coke » avec le jusqu’au-boutisme qui le caractérise… Le millénaire l’a calmé.

Lounge. Avec Style Council ( voir encadré), au c£ur des années 80, Weller tourne le dos aux sonorités rock modiste et fait dans le cool, jusqu’à faire sonner certains de ses titres comme du lounge jazzy. Pour cela, une grande partie des fans de Jam le haïra longtemps…

Woking. A grandi tout près de cette cité-dortoir à une trentaine de km de Londres, dans Stanley Road (titre de son troisième album solo…), y vivant longtemps dans un logement social datant de l’époque victorienne. Et puis W comme Wild Wood, le tube folky qui fait véritablement décoller sa carrière solo en 1993.

Elégance. Aux premiers temps de Jam, Weller a le look Carnaby Street (v. revival), fringué de pompes bicolores et de deux-pièces anthracites qui n’empêchent nullement une folle énergie scénique. Dans Style Council, les fringues se font un moment italiennes, mais la dominante anglaise perdure dans l’imper Burberry ou le tissu velouré façon Corduroy. A la cinquantaine, Weller porte volontiers des costumes de Milord de Saville Row, accompagnés de chic sneakers et de la coupe de cheveux post-mod, désormais grisonnante.

Légitimité. En 2006, a rejeté la proposition de devenir Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique…

Lunatique. Reconnu pour son caractère « impétueux », entier et direct, dans la droite lignée du paternel John, ex-chauffeur de taxi, maçon et boxeur, qui s’est occupé de la carrière du fiston jusqu’il y a peu…

Eton Rifles (The). Peut-être la chanson la plus emblématique de toute sa carrière, sortie en 1979 sur l’album Setting Sons de Jam, premier single du groupe à entrer dans le Top 10 anglais. Raconte la « guerre des classes » entre les élèves de la prestigieuse école privée d’Eton et les street-kids voisins…

Revival. Avec un répertoire très influencé par les Small Faces et The Who, Jam relance dès 1977 le mouvement mod né une douzaine d’années auparavant. Scooter, parka, pork pie hats, batailles rangées à Brighton avec les « rockers », drogues speed, le mod revival est également dopé par la sortie en 1979 du film Quadrophenia avec Sting…

u 22 Dreams en deux versions, simple ou double, chez V2 Records.

u En concert le 3/10 à l’Ancienne Belgique. La date annoncée au Cactus Festival le 13/07 est annulée.

u www.paulweller.com

TEXTE PHILIPPE CORNET

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