DE NABIL BEN YADIR. AVEC NADER BOUSSANDEL, MOURADE ZEGUENDI, JAN DECLEIR. 2009.Le succès populaire des Barons, son accueil critique également enthousiaste, auront fait du film de Nabil Ben Yadir un des phénomènes les plus marquants du cinéma belge francophone récent. Une réussite d’autant plus appréciable que le jeune cinéaste bruxellois d’origine maghrébine est un autodidacte, manifestant dès sa première réalisation des qualités peu banales et un sens de la mise en scène épatant.

Maghrébo-belgitude

Les « barons » du titre s’appellent Aziz, Hassan, et Mounir. La rue, à Molenbeek, est leur terrain d’action… ou plutôt d’inaction. Car dans leur vision de l’existence, on naît avec un certain nombre de pas autorisés à chacun, un nombre au bout duquel on meurt. Il s’agit donc de ne point trop se presser, d’économiser ses forces et ses déplacements. Les barons, ce sont des Vitelloni molenbeekois, une aristocratie autoproclamée de la glandouille. Et nos 3 amis s’affalent volontiers sur la devanture de l’épicerie locale, que tient un des derniers habitants autochtones du quartier (joué par Jan Decleir), plutôt que circuler dans la BMW qu’ils ont achetée en « collectif » avec quelques autres copains. Pourtant, un des membres du trio semble prêt à bouger. Hassan aspire en effet à devenir comédien et humoriste. Mais pas question de mettre ses potes dans la confidence de cette ambition qui va nécessairement perturber leur quiétude complice.

Sur un scénario astucieux, écrit en collaboration avec Laurent Brandenbourger, Nabil Ben Yadir propose un film très drôle dans le ton et inventif dans la forme. A la fois pertinent et impertinent, comique et attachant, Les Barons trace un portrait à facettes multiples d’une certaine jeunesse allochtone habitant Molenbeek (c’est-à-dire quelque part entre le canal et le Maroc). Il le fait en jouant habilement des inévitables clichés, les retournant parfois de savoureuse manière et ne cédant pas au confort du politiquement correct quand il aborde par exemple la question des frustrations menant à la violence, et celle des rapports entre garçons et filles, ces dernières paraissant bien plus à même de se libérer de la pression (la prison?) du « quartier » et de s’en aller faire leur chemin dans la société.

Nader Boussandel (Hassan), Mourade Zeguendi (Mounir) et Monir Ait Amou (Aziz) sont parfaits dans leurs rôles. Le talent de ces comédiens peu ou pas connus éclate devant la caméra d’un Ben Yadir observant avec justesse des personnages que ses jeunes interprètes « croquent » de bien belle façon, entre éléments caricaturaux et vérité humaine, un peu à l’italienne. Réussi formellement, Les Barons offre aussi une réelle richesse thématique. Des sujets comme le décrochage scolaire, le racisme, la religion, le communautarisme, le sexisme, la société multi ou interculturelle, la maghrébo-belgitude, s’y voient abordés sans manichéisme, sans jamais trahir la vocation de spectacle qui est celle du film… et qui explique en bonne partie son succès mérité.

L.D.

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