On a beau n’adhérer aucunement au propos de ses films, le cinéma de Lars Von Trier n’en reste pas moins passionnant. Il y a chez lui une liberté comme l’on n’en voit que rarement, assortie d’un sens aiguisé de la mise en scène – la séquence d’ouverture d’ Antichrist est là pour le rappeler. Empêcheur de filmer en rond – il fut encore l’instigateur du Dogme -, Von Trier est aussi, et c’est tout à son honneur, un artiste sachant faire face à la critique avec une honnêteté désarmante. Thème par thème, morceaux choisis d’une conversation cannoise avec un cinéaste ne laissant personne indifférent, que l’on en soit chocolat bleu pâle ou qu’on le voue aux gémonies…

La culpabilité.

« C’est fort étrange, parce que ce n’est certainement pas quelque chose que l’on m’ a inculqué à la maison. Elle était présente, bien sûr, mais on n’en parlait pas, je n’ai pas la moindre idée de sa provenance. Elle représente quelque chose d’important. Je ne pense pas ressentir tant de culpabilité dans ma vie personnelle, ni qu’il s’agisse de culpabilité chrétienne. Mais vivant dans un pays protestant, on ne peut y échapper, même si l’on n’est pas religieux. »

Les figures féminines.

« Je me sens fort proche des femmes dans mes films. La femme y est toujours une victime. Les hommes dont je fais le portrait sont toujours extrêmement stupides, et provoquent des désastres. »

La figure maternelle.

« Je suis très critique à l’égard de ma mère. C’était une figure dominatrice; il était essentiel que les choses se passent comme elle le désirait. Elle ne m’a pas laissé avoir d’enfance, cela faisait partie de sa philosophie. C’était aussi quelqu’un de courageux, une combattante de la liberté. Enfant, elle était fort importante à mes yeux, ce qu’elle disait avait valeur de vérité absolue. Quand j’allais au lit, je lui demandais: « est-ce que je vais mourir cette nuit? » , et elle répondait: « regarde ces statistiques, tu verras que ce n’est guère probable. » C’est assez choquant à entendre, pour un enfant. Quand les miens me posent la question, je leur réponds simplement « non ». Qu’est-ce que je risque? Ma crédibilité? Elle aurait pu prendre ce risque, mais c’était une idéaliste à sa façon. « 

Le sexe, un péché?

« Le film donne ce sentiment, même si je le nie farouchement et systématiquement. C’est ridicule, si je considère la façon dont j’ai été éduqué. Le postulat est donc faux, même si c’est en effet ce qui ressort du film. Je ne puis l’expliquer et je n’en suis pas fier. Par contre la culpabilité de la mère à l’égard de l’enfant me paraît assez commune. La maternité n’est pas quelque chose d’unidimensionnel. « 

La nature.

« J’ai toujours vécu au contact de la nature. La nature m’a toujours rendu heureux. Pour moi, c’est un endroit où l’on peut se rendre et être libéré de ses angoisses. Mais si nous avons cette image traditionnelle du cerf qui brame auprès d’un petit lac entouré d’une forêt romantique, cette forêt est aussi un théâtre de souffrance et de mort. »

Le renard bavard.

« Les animaux viennent d’un voyage chamanique que j’ai fait pour un proche. Pendant ce voyage, j’ai rencontré ce renard, et il m’a demandé d’avoir une réplique dans le film. Cela a l’air ridicule, mais je ne pouvais pas refuser. »

Forme et thérapie.

« Le film devait consister en 2 choses différentes, l’une ayant à voir avec un ouvrage monumental, et l’autre avec quelque chose de plus documentaire. Mais je n’ai pas eu la force de porter cela (Lars Von Trier traversait une dépression à l’époque, ndlr). J’aurais voulu être moi-même à la caméra, mais je n’en ai pas été capable. C’était terriblement humiliant (…) Ce film est une sorte de victoire. La thérapie que je décris est celle par laquelle je suis moi-même passé, envisagée sur un mode sarcastique. Avoir fait ce film me rend heureux. »

J.F. PL.

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