ALEJANDRO INARRITU SIGNE UN FILM VIRTUOSE ET JUBILATOIRE AUTOUR D’UN ACTEUR, EX-SUPERHÉROS HOLLYWOODIEN TENTANT DE SE RÉINVENTER À BROADWAY.

Birdman

D’ALEJANDRO GONZALEZ INARRITU. AVEC MICHAEL KEATON, EDWARD NORTON, NAOMI WATTS. 1 H 59. DIST: FOX

8

Quatre statuettes, dont celles de Meilleur film et de Meilleur réalisateur: Birdman restera comme le grand vainqueur de la dernière cérémonie des Oscars, qui consacrait le talent d’Alejandro Gonzalez Inarritu, l’auteur, entre autres, de Babel et Biutiful. Le réalisateur mexicain s’y empare du destin de Riggan Thomson (Michael Keaton, magistral), star hollywoodienne déclinante qui, 20 ans après avoir connu une gloire éphémère sous les traits d’un superhéros, Birdman, sorte d’Icare en combinaison moulante, tente de se réinventer en montant et en interprétant une pièce à Broadway, adaptation de son cru de Parlez-moi d’amour, de Raymond Carver. Il y a loin, toutefois, de la coupe aux lèvres, et les dernières heures précédant la Première au St James Theater tournent au cauchemar, tandis qu’aux problèmes d’ego et au désordre intime de Thomson se greffent des questions d’intendance, et notamment le remplacement au pied levé d’un acteur cabot par un autre, d’une insupportable suffisance, Mike Shiner (Edward Norton, dans un rôle sur mesure). Pas de quoi entamer toutefois la détermination de son producteur, Jake (Zach Galifianakis): The Show Must Go On, comme l’on dit…

Tourné en un seul (faux) plan-séquence, Birdman (ou la surprenante vertu de l’ignorance) balade le spectateur en un mouvement aussi sinueux que fluide des coursives du théâtre aux pensées de son protagoniste central. S’il y a là, par endroits, une tapageuse démonstration de virtuosité, Inarritu n’y sacrifie pas pour autant la densité de son propos. Explorant la condition de l’acteur confronté aux affres du temps et de l’oubli, il signe une réflexion sensible, rendue plus aiguisée encore par l’incroyable prestation de Michael Keaton -qu’il ait, pour sa part, été snobé par l’Académie ne laisse d’étonner-, au coeur d’une mise en abîme vertigineuse lui valant son meilleur rôle depuis… Batman. De quoi poser, incidemment, la teneur ironique d’un film croquant dans un même élan jubilatoire Hollywood (et son « génocide culturel »)et Broadway, et bien au-delà encore. « Ce film a toujours été pour moi une opportunité d’explorer mon propre ego, explique Inarritu dans l’intéressant making of accompagnant l’édition Blu-ray. Et de poursuivre: On a tous un Birdman en nous, qu’il soit grand ou petit, un sansonnet ou un vautour. » Partant, le film ne s’arrête pas à la seule étude de milieu, et réussit à parler à tout un chacun, dès lors qu’il s’agit aussi d’y traquer l’humain derrière le masque, de superhéros ou autre. Entreprise conduite avec une exceptionnelle maestria: revenant sur ce tournage tout en (très) longues prises, Edward Norton raconte avoir eu l’impression d’être un funambule évoluant sans filet. Pour un résultat de haut vol.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content