L’enfer, c’est nous

L’enfer d’Afterparty se pave de cadavres de bouteilles et de lynchages sociaux via smartphones. Éthylique, sa narration danse tout sourire avec le malin.

Satan organise des soirées dantesques dans un loft haut perché et alimente soigneusement sa popularité sur les réseaux sociaux, au fil des nuits éternelles d’ Afterparty. Un peu dépressif, l’esprit du mal boit et survit comme les sujets de son royaume fatigué. Capturant l’air damné de notre temps, le nouveau jeu d’aventure de Night School Studio se hisse à la hauteur narrative et scénique d’ Oxenfree, leur précédente production. Bienvenue dans un point & click aigre-doux où le calvaire ne dure que de 9 à 17 heures. On avait quitté le huis clos insulaire et adolescent d’ Oxenfree stupéfait, il y a trois ans. L’île hantée de ce cousin gaming proche de Fréquence interdite et de Contact (les films) y catalysait les fêlures de ses attachants visiteurs. Objet hybride furieusement passionnant entre film et jeu vidéo, le titre développé à Los Angeles misait tout sur une narration interactive obsédée par la mort. Cocréé par Sean Krankel, dialoguiste chez feu Telltale Games (l’adaptation gaming de The Walking Dead), Afterparty voyage encore outre-tombe, du côté des damnés.

Milo et Lola, deux adolescents à peine sortis de l’enfer d’un c ollege américain, s’y retrouvent coincés sans comprendre ni comment ni pourquoi. Unique porte de sortie pour ces amis d’enfance: affonner plus de cocktails que le Diable en personne. Avant d’y arriver, le binôme croisera des humains et des suppôts de Satan plus ou moins haut gradés sur sa route. Tous lèvent le coude dans des bars, en fin de journée. D’un démon cherchant par message des nouvelles idées de tortures à un sorteur de club se moquant publiquement des deux protagonistes, tout ce petit monde se retrouve également sur Bicker, le réseau social du coin.

L'enfer, c'est nous

Théâtre des martyrs

Peuplé de démons tortionnaires se prenant en selfie avec les prisonniers d’un pot-au-feu géant, Afterparty creuse également l’idée de contrôle social via Wormhorn, un bourreau jugeant les actions morales de Milo et Lola. Ce dernier les force ainsi à revivre -dans d’étonnantes pièces de théâtre- des épisodes douloureux de leur vie terrienne. Et les acteurs de ces mises en scène éthiques d’éviter de reproduire l’accent étranger du père de Milo « car il y a des limites de bienséance à ne pas dépasser ».

Drôle et acerbe, Afterparty renvoie également les décisions amorales du gamer dans les limbes. En mission pour servir des démons souffrant d’isolement social (!), Milo et Lola accusent ainsi fréquemment des innocents pour parvenir à leurs fins. L’interaction narrative et temporelle d’ Oxenfree est ici recyclée. Le joueur ne dispose ainsi que d’une poignée de secondes pour répondre aux pluies d’injonctions, sous peine de rester muet. Cette temporalité parfaitement exploitée offre un rythme de dialogues hallucinant. Boire divers cocktails débloque en outre de nouveaux choix de réponses. Mais le gameplay d’ Afterparty s’arrête là. Le jeu s’avère trop bavard, peuplé de petits jeux d’arcade inutiles et sa progression ne pose aucun défi. Des petits regrets qui ne ternissent en rien sa vision, singulière et drôle des ténèbres.

Afterparty

Édité par et développé par Night School Studio, âge: 18+, disponible sur Mac, PC, PlayStation 4 et Xbox One.

8

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