Qu’il soit acteur (dans La Folle histoire d’amour de Simon Eskenazy), réalisateur ou écrivain, l’éternel jeune homme garde le plaisir et la curiosité pour guides.

On l’a retrouvé avec bonheur dans le rôle de Simon Eskenazy, héros naguère de L’Homme est une femme comme les autres et dont les aventures sentimentales prennent une tournure nouvelle avec l’apparition d’un jeune travesti arabe… Dans ce rôle de gay tout sauf triste, Antoine de Caunes trouve les accents justes, devant la caméra d’un réalisateur qui a fait de lui son alter ego de fiction.  » Jean-Jacques (Zilbermann, ndlr) trouve l’inspiration de ses films dans sa propre vie, explique le comédien, donc quand je joue Simon, je joue son double, son double fantasmé. J’ai devant moi la source directe du personnage. Pas au sens littéral et physique (alors il aurait pris Dustin Hoffman!) mais à travers le filtre de la fiction. Jean-Jacques ne raconte pas toute sa vie au cinéma (si vous saviez!), mais il en fait le matériau, comme – toutes proportions gardées – le faisait Truffaut avec Antoine Doinel, son alter ego joué par Jean-Pierre Léaud… C’est pour moi une expérience troublante, inhabituelle, et très plaisante. »

Un des aspects les plus sympathiques de l’inégale Folle histoire d’amour de Simon Eskenazy (voir notre critique dans le Focus du 4 décembre) est le cran qu’il a de présenter une love story entre un homosexuel juif et un travesti musulman, faisant du film, entre autres choses, un hymne au métissage. Et ce à une époque où montent le communautarisme et le raidissement identitaire.  » C’est un film d’amour, avant toute chose, commente de Caunes , mais ce n’est pas pour rien qu’il appelle, modestement, au métissage, au grand et libre mélange, qui est à mes yeux le seul avenir possible. Je crois à la mixité, au « melting pot » comme disent les Américains. Mais en France, on est en plein débat à la con sur l’identité nationale. Evidemment, les élections approchent, et il faut rameuter l’électorat d’extrême-droite pour qu’il ne retombe pas dans les filets du Front National… Mais la man£uvre est tellement grossière, le propos tellement déplacé, et remuant des trucs tellement nauséabonds, que cela m’évoque Vichy. Je déteste de manière instinctive, épidermique, ces tentatives de diviser la population en termes d’identités inconciliables. Ceci dit, je n’ai pas joué dans le film pour des raisons militantes. J’estime que ce n’est pas le rôle du cinéma. »

Personnalité multiple

Le fait d’être  » un bobo habitant le Ier arrondissement de Paris » (alors que Jean-Jacques Zilbermann habite le quartier populaire de « Château rouge »,  » au beau milieu de l’Afrique à Paris« ) n’empêche pas Antoine de Caunes de stigmatiser  » l’idéologie du repli sécuritaire » qu’il regrette de voir s’installer en France. Notre homme a les idées cohérentes, même si ses nombreuses activités (il fut journaliste, écrivain, humoriste, avant de devenir acteur et réalisateur) font de lui un « multiple » au sens psychiatrique du terme.  » Avec deux personnalités, on ne peut que devenir schizophrène, mais être un multiple ouvre de plus vastes possibilités« , rit un de Caunes qui ajoute:  » Si j’étais montagnard, je vous dirais que j’attaque toujours la même montagne, mais par des faces différentes« . Et de poursuivre:  » Ce n’est pas de la dispersion, ni du dilettantisme, il y a un socle commun qui est l’écriture, et tout ce que je fais en relève d’une manière ou d’une autre. Sitôt cette promo achevée, dès demain, je vais me retrouver à gratter, tout seul sur mon ordi, jusqu’à la fin du mois de décembre, aux prises seulement avec les phrases, les mots. Le plaisir que j’éprouve à cette simple idée est immense! Mais si je devais me dire que je ne fais plus que ça jusqu’à la fin de mes jours, je serais très malheureux… Je vais remonter sur scène, réaliser… Pour moi, la dialectique entre toutes mes activités est évidente, même si elle ne l’est pas forcément pour l’extérieur… »

L’insuccès de son Coluche, l’histoire d’un mec, l’abandon de son projet de film sur le Marquis de Montespan (le plus fameux cocu de l’Histoire de France) faute de financement suffisant, ont sans aucun doute blessé un Antoine de Caunes qui reste néanmoins philosophe.  » Il y a 20 ans, je vous aurais dit que seuls les succès apportent quelque chose, aujourd’hui je sais que les échecs peuvent aussi être utiles. Ils sont aussi nourrissants, voire plus nourrissants, que les succès. Ils vous reconnectent par exemple avec la réalité. Le poids d’un échec vous recentre. Le prix à payer peut être important, bien sûr. Comme tous mes camarades dans ce métier, j’ai connu les périodes de dépression, de remise en cause complète. Je me suis demandé « A quoi bon? » Mais je suis reparti, à chaque fois, avec le même enthousiasme que j’avais il y a 30 ans, quand je commençais à faire des émissions de rock (1). Je me rends compte maintenant que ce qui me fait avancer, rebondir, c’est le plaisir, et le plaisir de faire partager mon plaisir… »

Celui que sa curiosité n’a jamais cessé de pousser vers les lieux  » où ça se passe« , et qui emmena autrefois la télévision française à Londres et aux Etats-Unis, ne pouvait ignorer le bouillonnement créatif qui a saisi Berlin.  » J’y suis parti germanophobe, j’en suis revenu berlinophile!« , s’exclame un de Caunes qui a aimé  » la vie étonnante, incroyable, qui se développe là-bas, et qui m’a donné le sentiment de me retrouver à New York au début des années 80. ça part dans tous les sens, tout est possible, le fait que la vie n’y soit pas chère attire des gens qui veulent essayer des choses et n’en n’auraient pas les moyens ailleurs. Le tout sans esprit de compétition, avec un vrai sens communautaire. L’alternative est là! La possibilité d’une société différente s’incarne aujourd’hui à Berlin! »

(1) Pour rappel, les essentielles – Chorus, Les Enfants du rock, Rapido.

Antoine de Caunes sera sur la scène du Théâtre Saint-Michel, à Bruxelles, le 26 février 2010 avec Un mec sympa.

Rencontre Louis Danvers

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