Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

La caravane passe – Avec l’exposition L’élégance crée l’Ambiance, Karine Marenne lève le rideau à carreaux sur Caravan of Love, une ouvre multiple et pleine de dérision.

MAAC, 26-28 rue des Chartreux, à 1000 Bruxelles. Jusqu’au 20/12.

En ce moment, le promeneur qui passe devant la Maison d’Art Actuel des Chartreux ne peut que s’arrêter. Un objet merveilleusement phallique s’abandonne en vitrine. Son absence de pudeur en a fasciné plus d’un. Orange et blanc, il s’agit d’un aspirateur qui vient tout droit des années 60. Il suffit de le brancher pour qu’il ronronne et joue la mélodie du bonheur… domestique. L’air de rien, cette pompe à poussière est l’héroïne de l’exposition de Karine Marenne. Un rôle-clé qu’elle partage avec une caravane. Pas n’importe quelle caravane, une mythique WaWa 400 SL, la marque belge incarnant  » le rêve de liberté par la mobilité et la consommation« . Ce duo traverse l’ Elégance crée l’Ambiance avec une aisance déconcertante. L’exposition se décline au travers de trois salles distinctes. La première donne à voir photos, objets et mise en scène – une table avec une passoire, deux carottes qui attendent d’être râpées et deux pages de magazine qui vantent le confort moderne. La deuxième fait place à deux projections sur fond de bande-son garantie d’époque façon Tu me plais de Nancy Holloway. L’une montre Karine Marenne en train de repasser des mouchoirs en série, stéréotype de la condition féminine à une certaine époque. Si elle accomplit la tâche avec un large sourire digne d’une émission de télé-achat, les larmes finissent par couler… avant qu’elle ne reprenne de plus belle. Domestic life goes on! L’autre vidéo nous montre des scènes de la vie conjugale à l’intérieur du petit nid d’amour que constitue la maisonnette roulante, cocon très sexuel. La troisième et dernière salle mélange collages représentant la famille dans tous ses états – de la monoparentale à celle où les parents démissionnent -, projection et mise en scène d’un pique-nique.

Feuilleton nomade

A travers ce projet, Karine Marenne interroge la vie de couple sous toutes ses formes. Pour y parvenir, elle joue la carte de la fiction par le biais d’un tandem qu’elle a imaginé: monsieur et madame Dufour, couple radieux de la fin des années 50. Son propos n’a rien d’innocent. En sur-jouant un bonheur frelaté, Marenne écorne avec beaucoup de dérision une réalité préfabriquée. Ces images d’une autre époque suscitent nostalgie mais aussi réflexion: où en sommes-nous aujourd’hui? Avons-nous tiré un trait définitif sur l’image du bonheur? D’autant que les séries photos de l’artiste ne se contentent pas de taper sur le clou du couple. A travers ses « innocents » chromos, elle aborde aussi les thématiques de l’urbanisation, du destin de la Belgique ou encore – en filigranes – celui du Congo. Après les lendemains qui chantent, le temps des illusions perdues?

www.karinemarenne.net

Michel Verlinden

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