Legend d’automne

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

AVEC DARKNESS AND LIGHT, LE CHANTEUR RETROUVE UNE NOUVELLE ÉPAISSEUR. LOIN DE LA RÉVOLUTION DE PALAIS ANNONCÉE, CERTES, MAIS AVEC UN DISQUE CHALEUREUX ET INSPIRÉ.

John Legend

« Darkness and Light »

DISTRIBUÉ PAR SONY.

7

De John Legend, on ne sait jamais trop quoi attendre. Au début de sa carrière, au milieu des années 2000, il était volontiers présenté comme le futur de la soul. Mais au fil du temps, il s’est surtout contenté de l’actualiser: assez inspiré pour sortir de la masse, trop lisse pour bousculer complètement les codes… Loin des poses crâneuses d’un certain r’n’b, il a montré néanmoins qu’il pouvait varier les angles. Il a par exemple réalisé un disque de reprises à haute charge revendicative, en collaboration avec The Roots (Wake Up!, en 2010). En 2015, il récoltait également un Oscar pour sa chanson Glory, tirée du film Selma, retraçant l’un des épisodes fondateurs du mythe pacifiste de Martin Luther King. A côté de cela, Legend s’est toutefois aussi montré capable de pondre un tube aussi insipide et lénifiant qu’All of Me, balade amoureuse dont la mélasse a désormais contaminé tous les bals de mariage.

De quel côté penche cette fois la balance? La pochette noir/blanc de Darkness and Light, son cinquième album, suggère une nouvelle gravité. Le disque débute par le morceau I Know Better, sur lequel il confie notamment la sentence suivante: « They say ‘sing what you know’/But I’ve sung what they want/Some folks do what they’re told/But baby, this times, I won’t« . Une manière d’annoncer que cette fois, Legend n’en fera donc qu’à sa tête.

Déclaration d’émancipation

La rupture se marque dès le générique: à la pléthore de collaborateurs qui avaient officié sur le précédent Love in the Future, Legend a préféré cette fois un équipage plus resserré. Mais également bizarrement hétéroclite, comprenant aussi bien des plumes pop (Julia Michaels, vue chez Justin Bieber, Demi Lovato…) que des noms plus indie (Will Oldham, alias Bonnie Prince Billy). Pour diriger les débats, Legend a fait appel au producteur Blake Mills, trentenaire remarqué notamment grâce à son travail sur le disque Sound & Color d’Alabama Shakes.

La chanteuse du groupe blues-rock-soul sudiste, Brittany Howard, est d’ailleurs présente sur le morceau-titre, miaulant ici plus qu’elle ne s’égosille. Elle n’est en outre pas la seule invitée. Sur Penthouse Floor, c’est Chance The Rapper qui fait son apparition, tandis que Miguel vient assister l’hôte de la maison pour un exercice de crooning soul amoureux -« Let that telephone ring/Let that blue bird sing« , insistent-ils en choeur-, sanctionné par le saxophone inspiré de Kamasi Washington. Le jazzman fait également une apparition sur Right By You (for Luna), que Legend dédie à sa fille. Moins pour la bercer que pour lui confesser ses doutes -« How can you be free from all this sorrow?« . Ailleurs, le chanteur glisse d’ailleurs encore l’une ou l’autre allusion plus « politique » (« My history has brought me to this place/There’s power in the color of my face » sur I Know Better) ou note plus pessimiste (Marching Into the Dark). Certes, la déclaration d’émancipation annoncée au début du disque n’a pas valeur de grand chambardement. Il n’empêche: avec Darkness and Light, Legend retrouve de la substance.

LAURENT HOEBRECHTS

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