Parfois, ne pas être télégénique, c’est devenir télégénique. Récupération de la sphère audiovisuelle, accusée de tout formater? Peut-être. Et tant pis.

C’est sans doute le buzz de l’année. La vidéo qui fait le plus parler d’elle depuis des mois. C’est une dragée tire-larmes trop sucrée (montage digne d’une superproduction Disney, envolées de violons…), enrobée de gomme « feel good ». Il n’empêche, en voyant Susan Boyle, grassouillette et coiffée comme un briard – avec les buissonneux sourcils du chien en bonus – s’avancer sur la scène de Britain’s got Talent (l’équivalent britannique de la Nouvelle Star), on ne s’attendait pas à ce qu’elle nous réconcilie avec la téléréalité. Cette jeune vierge de 47 ans (elle a même confié n’avoir jamais été embrassée) a commencé par faire fuser les rires. Pas télégénique pour un poil, l’hirsute Ecossaise a démontré en 10 secondes qu’elle ne maîtrisait ni l’art oratoire (ce fut tout un labeur de lui faire expliquer à quoi ressemblait son bled – « Une collection… une collection de… de villages! ») ni le sarcasme, que lui ont abondamment servi les trois jurés chargés de la renvoyer à la maison la queue entre les jambes. Le public, qui devait avoir inhalé du gaz hilarant, semblait sortir tout droit du traumatisant cauchemar qu’on faisait, enfants: nous étions nus en classe, et des centaines d’élèves au visage hideux déformé encore par un rictus de dégoût pointaient du doigt notre intimité.

Wake up call

Et puis, à Britain’s got Talent, le mauvais rêve a brusquement pris fin, quand Susan s’est mise à chanter. Elle n’avait certes pas le timbre d’Amy Winehouse, ni l’aisance vocale de Camille, non. Mais la petite bonne femme avait du coffre, elle était juste, et le bonheur qu’elle ressentait à cet instant précis a gagné toute l’assistance, qui, debout, l’a ovationnée dans une explosion de larmes. C’est l’histoire d’une Cosette en haillons, que la musique a drapée de lumière. D’un vilain petit canard devenu cygne durant les 2 minutes 35 secondes de son interprétation d’ I dreamed a dream ( Les Misérables). Un sacré « wake up call », dixit Amanda Holden, membre d’un jury estomaqué. Susan ne sera sans doute rien de plus qu’un phénomène de foire exhibé par des médias en manque de belles histoires qui tiennent chaud au c£ur, en cette époque morose. Mais elle aura démontré que la télévision, qu’on accuse de tous les maux dont celui de formater et son contenu, et l’existence de ceux qui la consomment, parvient parfois justement, en mettant en lumière des personnalités, à faire déborder les choses du cadre. Sans elle, il est probable que Susan Boyle n’aurait jamais vu des maisons de disques que la salle d’attente. Que Christophe Willem végéterait toujours dans un semi-anonymat, prisonnier d’un physique de geek sur lequel personne n’aurait misé un kopeck. Que Camélia Jordana, candidate de la Nouvelle Star 2009 issue d’une fusion entre Ugly Betty et Punky Brewster, serait dans 10 ans moins connue que myope. On a envie d’y croire et de se gaver de dragées Susan Boyle, le temps d’un buzz. l

DE myriam leroy

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