C’est le monde à l’envers. Il n’y a pas si longtemps encore, les attachés de presse faisaient les yeux doux aux journalistes pour qu’ils soignent leurs poulains aux petits oignons. Et voilà qu’aujourd’hui, ils prennent leurs distances les ingrats, évitant ces messieurs dames de la presse comme s’ils avaient chopé le virus H1N1. Bon d’accord, on force un peu le trait mais n’empêche, le vieux couple promotion-information bat méchamment de l’aile. Les sens echauffés par l’arrivée de nouveaux canaux de communication plus sexys, plus musclés, plus performants (forums, blogs et réseaux sociaux en tête), la promo ne fait plus mystère de multiplier les aventures extraconjugales. Une anecdote, rapportée par l’un de nos critiques cinéma, illustre bien le divorce. Manifestant son enthoustiasme à la sortie de la vision des Barons, la comédie haute en couleurs de Nabil Ben Yadir (sortie le 4 novembre), il s’est entendu répondre par une éminence de la production:  » Merci de ne pas trop parler du film dans le magazine. On voudrait éviter le matraquage médiatique pour ne pas mettre en péril le buzz. » Manière polie de dire:  » Vous êtes gentils les gars mais on n’a pas besoin de vous pour faire monter la sauce. Mieux, si vous pouviez la mettre en veilleuse, ça nous aiderait. Car plus vous en faites, moins on a de chance de décrocher le jackpot…  » Et vlan, renvoyée dans les cordes de la ringardise la grande presse! Au-delà du coup porté à l’ego, comment interpréter cette subite perte de crédit? Rien de personnel, serait-on tenté d’écrire. Les artistes n’ont pas pris subitement en grippe les médias. Même si la méfiance généralisée à l’égard des journalistes (et des élites au sens large), auscultée ces jours-ci par le trio July-Kahn-Plenel dans un essai décapant ( Faut-il croire les journalistes?, Mordicus), n’est pas de nature à redorer le sex-appeal de la profession, c’est plus à l’irruption du nouveau venu dans la classe, mister Net, que les cartes de la séduction sont rebattues. On a déjà beaucoup parler des groupes nés dans les choux numériques (Arctic Monkeys, Lily Allen…). Le cinéma a aussi son potager magique. Après Cloverfield, un autre Kinder Surprise, Paranormal Activity (dans les salles fin novembre), agite la Toile. Tourné avec trois sous (11 000 petits dollars à peine), ce film d’horreur qui ferait passer Blair Witch Project pour un Walt Disney, a explosé le box-office US sur la foi du seul bouche à oreille. Le coup de génie? Une bande annonce lâchée sur… le Web montrant les réactions du public pendant une projection. Une étincelle grattée plusieurs millions de fois qui allait mettre le feu aux poudres des réseaux communautaires. Résultat: un carton en salles, le film ayant déjà rapporté 755 fois sa mise de départ. Dans cet emballement frénétique, ce qu’en pensent les journalites, les internautes s’en tamponnent comme du sort de BHV. A nous de retrousser nos manches pour mettre en avant nos atouts qui sont aussi nos fondamentaux: indépendance, esprit critique, recherche de sens… Mais si vous lisez ces lignes, vous voyez très bien de quoi il retourne. Merci d’avance de faire passer le message… P.S.: semaine prochaine, en cover de Focus: Les Barons!

Par Laurent Raphaël

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