LES FRANÇAIS D’ELEPHANT FILMS POURSUIVENT LEUR SUPERBE TRAVAIL D’EXHUMATION DE PRODUCTIONS UNIVERSAL MONSTERS: LOUP-GAROU ET CRÉATURE SONT CETTE FOIS À L’HONNEUR.

Le Monstre de Londres

DE STUART WALKER. AVEC HENRY HULL. 1935. DIST: ELEPHANT FILMS.

She-Wolf of London

DE JEAN YARBROUGH. AVEC JUNE LOCKHART. 1946. DIST: ELEPHANT FILMS.

La Revanche de la créature

DE JACK ARNOLD. AVEC JOHN AGAR. 1955. DIST: ELEPHANT FILMS.

La Créature est parmi nous

DE JOHN SHERWOOD. AVEC JEFF MORROW. 1956. DIST: ELEPHANT FILMS.

7

Dans l’une de ces fougueuses introductions dont il a le secret, l’inénarrable Jean-Pierre Dionnet rappelle utilement à quel point la fascination et la peur du loup ont toujours infusé le folklore à travers les siècles. En 1935, Le Monstre de Londres n’est certes pas le premier film de loup-garou mais, en incorporant le rôle décisif de la pleine lune dans son récit, il restera déterminant dans la construction du mythe du lycanthrope au cinéma. Avec sa photographie quasi expressionniste jouant de l’ombre et la lumière, son attrait à la fois pour l’aventure, le drame et l’humour mondain, le film de Stuart Walker, très dense, aux limites du baroque, peut désorienter, même s’il explore avec cohérence, et jusque dans le recours à des plantes carnivores, le thème de l’animalité.

Onze ans plus tard, le très atmosphérique She-Wolf of London de Jean Yarbrough est quant à lui passionnant de bout en bout. Soit l’histoire d’une jeune et séduisante héritière persuadée d’avoir été frappée d’une malédiction familiale la poussant à commettre des crimes atroces. S’inscrivant dans la grande tradition gothique, l’objet n’est pas à proprement parler un film d’horreur, et pourra même rappeler par endroits le Hitchcock du début des années 40 -aussi bien celui de Rebecca que de Suspicion, d’ailleurs. Concentré sur une vaste maison bourgeoise et le parc alentour, ce récit de manipulation décliné au féminin pluriel bénéficie d’un vrai sens de l’espace cinématographique, et le fog londonien y nimbe certaines séquences nocturnes d’une désarmante poésie fantomatique.

Au mitan de années 50, Universal imagine un nouveau monstre, la créature, qui puise ses origines dans une légende amazonienne aussi bien que dans le mythe très ancien de l’homme-poisson. Survivance amphibie du passé défiant toutes les lois de Darwin, elle a la force de dix hommes, et ouvre la voie à une fable moderne sur la différence calquée sur la trame de King Kong. A L’Etrange Créature du lac noir en 1954 succède ainsi La Revanche de la créature en 1955, suite cruelle mais inspirée où l’on reconnaît brièvement un jeune Clint Eastwood dans son tout premier rôle au cinéma, celui d’un technicien de laboratoire méché. Son réalisateur, Jack Arnold, a fait ses classes chez Robert Flaherty (Nanouk l’Esquimau). En résulte une volonté marquée de fabriquer du fantastique de la manière la plus réaliste possible, et en privilégiant les décors naturels.

Dans La Créature est parmi nous, mis en boîte l’année suivante par John Sherwood, l’assistant d’Arnold, la bête s’anthropomorphise davantage, avalisant cette vieille antienne qui veut que le monstre est peut-être le plus humain de tous les personnages. L’hypnotique ballet aquatique des corps insuffle une véritable magie des profondeurs à ce curieux mélodrame horrifique où domine la figure du scientifique malfaisant. Histoire sans doute de dire encore que si la créature, en effet, est parmi nous, elle est peut-être aussi et avant tout en nous.

NICOLAS CLÉMENT

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content