L’incident de Toronto, Liam, James Bond, l’évolution du star-system… Noel Gallagher ouvre sa gueule et défend Dig Out your soul, le septième et nouvel album d’Oasis.

Une interview avec Noel Galla-gher ressemble davantage à un combat de boxe qu’à une aimable causerie. Noel est toujours à cran. Le Mancunien n’est pas du style à mettre des gants mais il reste en permanence sur ses gardes. Ce qui ne l’empêche pas de se faire balancer dans les cordes. Agressé par un spectateur qui l’a mis au sol sur scène pendant un concert à Toronto le 7 septembre dernier (cherchez « Gallagher assaulted » sur YouTube), l’aîné des frangins a postposé notre rendez-vous prévu à Amsterdam. C’est pour mieux enchaîner les uppercuts. Car, qu’on le veuille ou non, il se passe toujours quelque chose avec Oasis.  » On a pris du bon temps pendant l’enregistrement de Dig out your Soul à Los Angeles, avoue-t-il. A chaque fois que nous sommes sortis, il nous est arrivé des histoires de dingues. » Exemples? Dans un bar, Noel dénigre le bassiste de Maroon 5 ( » tu joues dans ce groupe de merde? » ) venu lui serrer la pince. Quelques heures plus tard, il sort dans une villa sur les collines d’Hollywood et croise à nouveau le malheureux aux toilettes.  » Putain, t’es encore là« , lui assène-t-il.  » Vous savez ce qu’il m’a répondu? On est chez moi.  »

Liam, lui, s’est réveillé avec des badges nazis plein les poches le lendemain d’une soirée chez le fétichiste Marilyn Manson et, crai-gnant de faire la Une de la presse à scandale, a préféré les jeter dans les jardins de L.A. plutôt que dans la poubelle de sa chambre d’hôtel. Bienvenue dans le monde des Gallagher. Et en route pour une rencontre avec Noel, à Londres, dans les bureaux de son management. On vous épargne quelques « fuck » et dérivés…

Focus: alors, ça va mieux?

Noel Gallagher: le plus dur est passé. J’ai eu trois côtes cassées et des ligaments ont été touchés. Merci Liam. Mon frère a attendu que les agents de sécurité maîtrisent le gars pour mettre son grain de sel. Je n’ai pas encore revu les images. Pour la simple et bonne raison que je n’ai pas d’ordinateur. J’y aurai sans doute droit en tournée. En attendant, le type a été arrêté par les flics. Je n’ai pas eu l’occasion de lui parler. Je n’ai déjà pas pu marcher pendant une semaine. Ce cinglé m’a agressé parce que c’est un putain d’idiot. Apparemment, il a 47 ans et 3 enfants. Je n’avais jamais été attaqué en tournée auparavant. J’avais juste eu un accident de voiture.

Vous avez peur de remonter sur scène comme on a peur de reprendre le volant?

Non. Je suis quelqu’un de rationnel. Cet incident n’aurait jamais dû arriver. Malheureusement, le boss de notre sécurité était trop occupé à jouer de l’air guitar pour se soucier de ce qui se passait. Putain, il n’est pas censé être mentalement au concert, donner son avis sur le solo de Champagne Supernova. Il doit être dans un autre monde. Empêcher ce genre de trucs d’arriver. Enfin bon, même si j’ai 41 ans et l’impression d’en avoir 56, je suis amoureux de ce que je fais. La route s’apparente juste un peu trop à un combat. Le tour bus au milieu de nulle part, j’en ai marre. On devrait avoir un avion privé. Ouais, comme ces bâtards de Metallica.

Vous insistez souvent sur vos origines ouvrières. Pourquoi des mecs de la working class partent-ils enregistrer une partie de leur album à Los Angeles?

Parce que c’est moins cher. Nous avons travaillé à Abbey Road à cause des circonstances. Et à L.A. pour des raisons de pognon. Notre studio en Angleterre coûtait 2 945 euros la journée. Notre studio en Californie ne nous revenait qu’à 1 470 euros.

Apparemment Liam apprécie les Etats-Unis. Il parle de s’installer à New York. Comme John Lennon…

(Il ricane) Liam cherche désespérément à se faire tirer dessus. Que veux-tu que je te dise? Tu ne penses quand même pas qu’il va aller vivre là-bas. Il ne sait déjà pas lacer ses godasses sans avoir maman au bout du fil. Alors New York, j’y crois pas une seconde.

Vous criez sur tous les toits que votre nouveau batteur (Chris Sharrock) est un ancien membre des La’s. Il n’a toutefois passé que huit mois avec le groupe de Liverpool, mais a par contre accompagné Robbie Williams pendant 12 ans. C’est moins glorieux…

On connaît Chris depuis des années. Et s’il est avec nous aujourd’hui, ce n’est certainement pas pour ce qu’il a pu faire avec Robbie Williams. Sois en sûr. Chris était déjà notre premier choix quand nous avons enrôlé Zak (Starkey, le fils de Ringo Starr). Nous n’avons jamais parlé de Robbie Williams avec lui. Il a sans doute vu des trucs bizarres mais je n’aime pas l’idée que nos anciens musiciens régalent des étrangers avec nos histoires. Je ne vais donc pas demander à Chris de nous démontrer que Robbie est un putain de connard.

Le mensuel Q a demandé à 20 personnalités de sélectionner leur chanson préférée d’Oasis. Sur 20 morceaux, seulement deux datent d’après 1998. Cela vous inspire quoi?

Est-ce que t’es sérieusement en train de demander à un auteur s’il a écrit ses meilleures chansons il y a dix ans ou il y a dix minutes? Ce n’est pas à moi de décider de tout ça. Si le bassiste de Razorlight prétend qu’on n’a plus écrit de grandes choses depuis une décennie, je fais quoi? Je prends ma retraite? Tout ce que je retiens, c’est qu’on a 20 putain de chansons. Combien de groupes peuvent en dire autant. Est-ce que REM a 20 terribles morceaux? Il a à peine 20 bonnes minutes. En 25 putain d’années de carrière. Allez, qui? Les Red Hot Chili Peppers? (sourire moqueur).

Si vous laissez Liam écrire des morceaux, c’est parce qu’il est devenu un meilleur songwriter ou parce que vous ne voulez plus vous prendre la tête?

Liam a longtemps insisté sur le fait qu’Oasis devait être notre groupe et pas juste le mien. Or, il n’a rien foutu pendant des années. A part chanter et prétendre qu’il était un songwriter sans pour autant avoir pondu la queue d’une chanson. J’aime bien ce qu’il écrit aujourd’hui. J’ai plein de morceaux aussi bons que ceux des autres mais Oasis est un groupe et on se partage les tâches. Si ça ne plaît pas, j’en ai rien à foutre. Les gens n’ont qu’à écouter Vampire Weekend. Je ne suis pas middle class moi. Je sais d’où je viens. Et je suis fier que, quand on entend une de nos chansons à la radio, on reconnaisse Oasis avant d’entendre Liam. Peu de groupes peuvent en dire autant. Neuf sur dix en Angleterre sont obsédés par le fait de changer de style à chaque disque. De la connerie. Ils me font rire en prétendant haïr les groupes qui enregistrent tout le temps le même album. J’ai envie de leur demander: vous n’aimez pas ce que vous faites que vous cherchez en permanence le changement? On est Oasis, voilà à quoi on ressemble. T’aimes pas? T’es pas obligé d’acheter. Tu ne veux pas en parler dans ton maga? Rien à battre. Evidemment, si je jouais dansKeane, je préférerais changer de style plutôt que de continuer à faire de la merde. Idem si j’étais membre de Bloc Party ou de Kaiser Chiefs. La plupart de ces groupes doivent déjà chercher à sonner de manière décente.

Au-delà du son, une attitude définit Oasis. Vous faites partie des dernières rock stars, non?

Il y a une grosse incompréhension derrière la plus connue des citations de Warhol. Il n’a jamais prétendu que tout le monde aurait droit à son quart d’heure de gloire. Tout le monde ne peut pas devenir une star. Ce gars assis là (il pointe à travers la fenêtre un type de sa boîte de management) ne sera jamais célèbre pendant un quart d’heure. En fait, ce qu’a dit Warhol, c’est que tous les quarts d’heure, quelqu’un devient connu. Un politicien, un terroriste, un top model, un gagnant d’émission télé. Quand tu y réfléchis, c’est profond. Un putain de journaliste n’avait, encore une fois, rien compris. En attendant, dans les années 50, on respectait les stars. Frank Sinatra, Elvis Presley. Aujourd’hui, on vit dans une époque cynique. Si Jésus revenait, les gens ne regarderaient pas le mec qui change l’eau en vin. Ils se demanderaient pourquoi il débarque avec 12 types. Et en tant que journaliste, t’en aurais rien à foutre des miracles. Tu chercherais des merdes à raconter sur ces pauvres gars.

Paraît que ça vous fout en rogne que des Américains (Jack White et Alicia Keys) aient été choisis pour le générique de James Bond?

J’aime bien James Bond. J’aurais pu le faire moi ce putain de générique. Il y a toujours une gonzesse, un pia-no et des cordes. Ils pourraient trouver autre chose pour une fois. On a beau nous bassiner avec Sean Connery, mon préféré à moi, c’est Roger Moore. Je ne sais pas quel autre Anglais pourrait se charger de la prochaine B.O. Amy Winehouse? Elle ne vivra plus assez longtemps.

Entretien Julien Broquet, à Londres.

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