LES OUVRAGES CHERS ET DE QUALITÉ REMETTANT À L’HONNEUR LES MAÎTRES ET LES CLASSIQUES DE LA BANDE DESSINÉE SONT DEVENUS PLÉTHORE. LOGIQUE: IL N’Y A PAS D’ART SANS PATRIMOINE.

« Aujourd’hui, la bande dessinée a suffisamment d’histoires pour qu’il y ait une Histoire de la bande dessinée. En littérature, il y a Malraux, Gide, Hugo, Proust; et bien en BD, il y a Hergé, Jijé, Franquin, Peyo, Tillieux… Des maîtres, qui méritent leurs livres d’art sur la bande dessinée. » José-Louis Bocquet s’enflamme vite à l’évocation de ces grands noms, et de ces grands maîtres. Il a remis depuis quelques années la plupart d’entre eux au centre des lignes éditoriales des éditions Dupuis. Un éditeur belge et historique dont ce scénariste et responsable de collections a ainsi cornaqué la plupart des livres sortis en 2013, à l’occasion des 75 ans de Spirou. Beaucoup d’ouvrages sur la BD, plus que des BD, dont un qui fait désormais figure de bible: La Véritable histoire de Spirou, qui a marqué un vrai tournant éditorial. « Il nous semblait indispensable de sortir à ce moment-là un « vrai » ouvrage de référence sur l’histoire de Spirou. Un livre cher, qui ne rapporte rien, mais qu’il faut faire. La première question que l’on s’est tous posé fut d’ailleurs: « Combien on va perdre? » Et à notre grande surprise, on a au contraire gagné un peu d’argent (tiré dans un premier temps à 5000 exemplaires, il a déjà été réédité, ndlr)! Ce fut le signal de tous les possibles, comme rééditer enfin le Spirou de Chaland. Des planches hors format, une histoire pas terminée… ç’aurait été impensable il y a quelques années. » Impensable il y a peu, presque une norme aujourd’hui: Dupuis éditait cette semaine, dans le même format (et les mêmes prix) que La Véritable histoire de Spirou, un nouvel et magnifique ouvrage-somme cette fois dédié à Jijé, avant d’autres titres sur Tillieux, Peyo, Morris ou Rosy… Si le patrimoine reste une niche dans le secteur BD, l’animal en tout cas a méchamment grossi.

L’hommage aux maîtres

Cet engouement éditorial ne se limite pas à Dupuis. On voit fleurir un peu partout depuis quelques années des livres d’art et de belles rééditions d’oeuvres de bande dessinée -un énorme L’Art de la bande dessinée chez les très arty Citadelles & Mazenod, un pavé Gus Bofa chez l’indé Cornelius, Dargaud qui ressort les plus belles histoires de Pilote, La Crypte Tonique qui se saigne pour rendre hommage à Paul Cuvelier (lire par ailleurs)… Le mouvement semble général et presque contradictoire dans un secteur en surproduction et en crise, déjà noyé sous les « vraies » nouveautés. Il n’en est rien pourtant: pour faire entrer définitivement la bande dessinée dans les musées, les cours d’Histoire et les patrimoines nationaux, elle a besoin d’une Histoire. Et donc de la reconnaissance de ses grandes oeuvres et de ses grands maîtres.

Les éditeurs, Dupuis y compris, ont longtemps sous-estimé la qualité patrimoniale de leur catalogue, se concentrant sur l’édition d’intégrales peu qualitatives et sans grande plus-value. L’essor du marché de la para-BD et la course des années change désormais la donne. « L’édition de para-BD est récente, confirme José-Louis Bocquet. Elle date d’il y a 30 ans, avec les premiers fanzines et une poignée de gens s’intéressant à l’Histoire de la bande dessinée plus qu’aux bandes dessinées. On a voulu que Quand Gillain raconte Jijé paraisse dans le même format, exactement, que La Véritable histoire de Spirou. Un livre d’histoire de ce genre-là par an chez Dupuis, ce serait pas mal… »

TEXTE Olivier Van Vaerenbergh

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