Rééditions, compilations, concerts… Le célèbre label électronique anglais fête ses 20 ans en grandes pompes. Rencontre avec son boss Steve Beckett.

Fondé en 1989, à Sheffield, cité industrielle, Warp n’est pas seulement l’un des labels pionniers en matière d’électronique. Il est le garant d’une électro durable. Et plus largement, quel que soit le genre auquel il se frotte, un gage de qualité. Warp, c’est la maison de Squarepusher, d’Aphex Twin, d’Autechre. C’est aussi celle de Grizzly Bear, !!!, Born Ruffians et par le passé d’Anti-Pop Consortium. Alors que la boîte fête ses 20 ans, l’un de ses fondateurs, Steve Beckett, nous consacre un peu de son temps.

Qu’est-ce qui vous a poussé en 1989 à lancer votre propre maison de disques?

Au départ, nous avions ouvert un magasin. Nous vendions du rock, du punk, du métal aussi bien que de la dance. Puis est arrivé l’acid house, cette musique révolutionnaire qui faisait table rase. Je voulais m’impliquer dans la musique la plus excitante de l’époque. L’Acid. Puis, la techno.

A un moment, vous sembliez convaincu que les guitares disparaîtraient. Comment se fait-il qu’elles soient encore là et qu’en plus, vous vous y intéressiez?

Par le fait qu’on se trompe quand on essaie d’imaginer le son du futur. Tout simplement parce que l’évolution de la musique reste imprévisible. Des groupes comme My Bloody Valentine et Radiohead ont démontré qu’on pouvait utiliser la guitare différemment. Explorer avec elle de nouveaux spectres. Tout ce que nous cherchons, c’est une expression unique. J’ai réalisé qu’elle pouvait se décliner à travers des millions de canaux différents. Nous, avant tout, nous nous intéressons aux groupes authentiques. Inventifs. Aux groupes qui avancent. Nous avons débuté avec de la dance et de l’électro mais à un moment, j’ai eu le sentiment que nous avions fait le tour. Que nous devions explorer de nouvelles pistes. Qu’elles s’appellent Grizzly Bear ou Battles… Je veux m’investir dans ce qui m’excite maintenant. Pas dans ce qui me fascinait il y a 15 ans.

Comment, en 2009, fonctionne une structure comme la vôtre quand il s’agit de repérer de nouveaux talents?

Je suis ouvert à ce que me soumettra n’importe qui dans la boîte. Mais nous sommes 3 assignés à cette tâche. Nous nous réunissons une fois par semaine pour partager le fruit de nos recherches. A l’heure qu’il est, nous ne recevons presque plus de CD au bureau. Tout, ou presque, se fait désormais via Internet. Les artistes du label jouent aussi parfois le rôle d’entremetteurs et nous suggèrent des projets qui leur semblent intéressants.

Qu’avez-vous fait de plus fou pour convaincre quelqu’un de signer chez vous?

Pas grand-chose. Je n’ai jamais rien réalisé de dingue. Jamais donné ma chemise ou baissé mon pantalon. La relation entre un groupe et un label est une question de confiance. Souvent, tu cours le monde. Tu attends dans des loges… Pour Maxïmo Park, nous étions en compétition avec des tas de majors. Des businessmen. La plupart ont invité le groupe dans un resto chic. Moi, je l’ai rencontré dans un parc devant un café et on a parlé musique.

Maxïmo Park, justement, représente votre plus gros succès commercial mais reste l’un des artistes de votre catalogue les moins innovants.

Je ne sais pas. Quand on décide de défendre un artiste, c’est forcément qu’il nous parle. Maxïmo Park a des textes intéressants, est redoutable sur scène, possède des vrais tubes. Au Royaume-Uni, il a rencontré beaucoup de succès. Le disque culotté de Tyondai Braxton que nous venons de sortir va toucher, on le sait, un public restreint. Un label comme le nôtre doit trouver un équilibre vital.

Certains fans vous l’ont reproché?

Oui, nous avons reçu des lettres, des mails dans lesquels certains allaient jusqu’à affirmer qu’ils n’achèteraient plus jamais un album de chez Warp. Que nous avions vendu notre âme au diable. Quand nous avons lorgné du côté du hip hop, on nous demandait déjà comment nous osions faire ça? Finalement, ça correspond à notre histoire.

Vous avez débusqué le Sud-Africain DJ Mujava. Explorez-vous davantage que par le passé les marchés exotiques?

Je ne vois pas la musique comme un marché. Peu importe que l’artiste vienne de l’autre côté de la planète ou qu’il habite à 2 miles de chez moi. Grâce à Internet, le monde ne cesse de rapetisser. Voilà comment nous avons découvert Mujava.

En 1999, vous avez monté Warp Films. Pourquoi vous attaquer au cinéma?

Nous nous sommes retrouvés au bon endroit au bon moment. L’évolution des technologies a permis de réaliser des films à petits budgets. Elle en a même facilité la distribution. D’un autre côté, nous entretenions des relations privilégiées avec de grands réalisateurs potentiels comme Chris Morris et Chris Cunningham ( clippeur notamment d’Aphex Twin et Björk, ndlr). Nous allons prochainement sortir Bunny and The Bull, un road movie dans un salon signé Paul King et Le Donk, une fiction de Shane Meadows ( This is England) à propos d’un roadie dans le milieu du hip hop.

Soirée Warp, au Concertgebouw (Bruges), le 30/10. Avec Seefeel, Red Snapper, Plaid,

Gravenhurst, Bibio et Hudson Mohawke.

Gagnez l’ensemble des Warp20 (Classics2), soit le meilleur du label Warp en 24 disques.

pour participer, Rendez-vous sur www.focusvif.be

Entretien Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content