COMÉDIEN BRUXELLOIS D’ORIGINE ITALIENNE ATTEINT DE CINÉPHILIE AIGÜE, FABRIZIO RONGIONE PRÉSENTERA LA 3E CÉRÉMONIE DES MAGRITTE DU CINÉMA LE 2 FÉVRIER PROCHAIN. FOCUS LUI TIRE LE PORTRAIT.

Le Gentil Organisateur, cette année, c’est lui. Fabrizio Rongione, comédien révélé il y a une petite quinzaine d’années par le Rosetta des frères Dardenne et qui depuis n’a cessé de jongler entre le cinéma (de Joachim Lafosse à Tonie Marshall en passant par Francesca Comencini), le théâtre (dont ses propres créations, écrites en tandem avec son compère Samuel Tilman) et la télévision (les séries Mafiosa et Un village français), dans une espèce de triangle des Bermudes artistique reliant la Belgique, l’Italie et la France.

Eclectique et semi-nomade, le caméléon ixellois accrochera donc très bientôt un nouveau costume dans sa foisonnante garde-robe, celui de maître de cérémonie des 3e Magritte du cinéma, succédant ainsi à la fondante Helena Noguerra. Dans un registre, on s’en doute, pas forcément similaire, Rongione ayant notamment été choisi sur foi de son On vit peu mais on meurt longtemps, seul en scène vivifiant et un brin militant où l’acteur, boulimique d’informations, imposait un humour existentialiste à forte teneur sociale.

« Anciennement, on avait une approche plus formelle d’une cérémonie de ce type. Aujourd’hui, une remise de prix se doit d’être drôle, rythmée, énergique, analyse le comédien. C’est une conception très américaine des choses, au fond, qui est désormais communément admise chez nous aussi. L’humour doit être omniprésent. Personnellement, c’est vrai que je n’ai pas vraiment un humour frontal. Je n’aime pas tellement me moquer pour me moquer. Par exemple, je ne fais jamais de blagues sur les faibles, les handicapés, les gros, ça ne me fait pas rire. Par contre, j’adore attaquer le pouvoir et ceux qui en abusent. Donc je parle de politique, d’économie, du quotidien. J’aime parler de la difficulté de vivre en fait.  »

Italo-belgitude

Pour l’occasion, Fabrizio Rongione s’est fait tirer le portrait par le collectif CARAVANE, dans une mise en scène gentiment téléphonée où l’acteur d’origine italienne singe le latin lover Mastroianni dans La Dolce Vita de Fellini. Il faut dire que Rongione, cinéphile enragé, ne cache pas son amour pour le cinéma transalpin. « Gilles Jacob a dit que l’Italie était le seul pays au monde à avoir eu au même moment douze génies du 7e art. Il parlait bien sûr de Fellini, d’Antonioni, de Visconti, etc. A la fin de la guerre, Rossellini a directement ouvert la voie pour le néo-réalisme, pour un Risi, un De Sica ou même un Monicelli qui, selon ses propres termes, ne faisait rien d’autre que raconter la réalité de son voisin… Ces réalisateurs ont contribué à cimenter une identité italienne dans l’après-guerre. J’ai vu leurs films quand j’étais gamin, et toute ma réflexion sur le cinéma belge aujourd’hui est tirée de mon amour pour le cinéma italien.  »

Le cinéma belge, parlons-en, dont le versant francophone s’auto-célèbre aux Magritte pour la troisième année. « Toutes les corporations à un moment donné ont besoin de se réunir et de se congratuler. C’est vrai aussi bien pour les gens de cinéma que pour les artisans joailliers. C’est une manière de se reconnaître entre membres d’une même famille. Et puis on vit dans un monde de communication, de publicité, donc j’ai envie de dire: quoi de mieux que les Magritte pour faire la publicité du cinéma belge? »

Un cinéma qui, aujourd’hui encore, se caractérise essentiellement par quelques individualités fortes, mais dont les productions semblent de plus en plus souvent travaillées par un souci commun pour un réel de proximité. « Il y a toujours eu une espèce de complexe d’infériorité en Belgique, reprend Rongione, qui s’est répercuté sur le cinéma de fiction du cru, très tourné vers le surréalisme. Pendant longtemps, c’est comme si, en dehors d’une certaine tradition documentaire, on avait considéré que la Belgique n’était pas un pays intéressant à raconter -tout le contraire de l’Italie, donc. C’est quelque chose qui est en train de changer depuis quelques années. Des gens comme Bouli Lanners ou François Pirot, par exemple, ont ce mérite de nous montrer combien la Belgique est belle. Au milieu des années 90, au conservatoire, nos professeurs nous disaient encore: « Si vous voulez faire ce métier, vous devez partir. «  Il n’y avait pas d’avenir pour un comédien belge dans son pays. En ce sens, on peut dire que les frères Dardenne ont été la locomotive du changement: ils ont fait confiance à des acteurs et à des techniciens belges. Et ce, pour raconter leur ville, leur réalité.  »

RENCONTRE NICOLAS CLÉMENT

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