Le magicien de la lumière

à bientôt 80 printemps, Storaro s'emploie toujours à sculpter les émotions et les sentiments à travers la lumière. © Belgaimage

Vittorio Storaro s’est imposé, depuis cinq décennies, comme l’un des maîtres de l’image cinématographique, illuminant les oeuvres de Bertolucci, Coppola, Beatty, Saura ou Woody Allen au gré de liaisons artistiques au long cours.

De L’Oiseau au plumage de cristal, de Dario Argento, au récent A Rainy Day in New York, de Woody Allen, Vittorio Storaro s’est affirmé comme l’un des maîtres incontestés de la lumière, peaufinant son art cinq décennies durant au gré de collaborations au long cours avec Bernardo Bertolucci (du Conformiste à Little Buddha), Francis Ford Coppola ( Apocalypse Now, mais aussi One from the Heart et Tucker) ou Carlos Saura ( Tango et Goya parmi d’autres). Un parcours d’exception, ponctué de trois Oscars ( Apocalypse Now, Reds et Le Dernier Empereur) consacrant un génie de l’image ayant su, comme peu d’autres, « écrire avec la lumière », suivant sa propre expression . Affaire en cours, d’ailleurs, Storaro poursuivant, à bientôt 80 printemps (il est né en 1940 à Rome), une association fructueuse avec Woody Allen dont il est l’un des collaborateurs privilégiés depuis Café Society, le temps semblant n’avoir aucune prise sur sa passion. Démonstration tout récemment à Valenciennes, lors d’une rencontre portant sur son imposante carrière à l’occasion de l’hommage que lui consacrait le Festival2cinéma, rétrospective, masterclass et expo à l’appui, un programme malheureusement mis à mal par les événements que l’on sait.

Un art en mouvement

Sa passion pour l’image, Storaro l’a nourrie précocement: son père est projectionniste à la Lux Film, et c’est tout naturellement que le jeune homme s’oriente vers le cinéma, faisant des études de photographie et de cinématographie. « J’ai réalisé que j’étais dans mon élément lorsque je disposais de deux images au moins. Un détour par l’étymologie: alors que la photographie s’exprime à travers une image unique, le cinéma est l’art du mouvement, il s’agit littéralement d’écrire avec la lumière en mouvement. J’ai besoin de la dualité, de comprendre qui est qui et qui est quoi, la nature de leur relation, sont-ils en conflit ou en harmonie? Et symboliquement, je recours au positif et au négatif, à l’ombre et à la lumière, au masculin et au féminin, au conscient et à l’inconscient, à différents éléments pour créer leur relation et raconter une histoire. » En toute logique, il adoptera l’appellation de « cinematographer » plutôt que celle de « directeur de la photographie »…

Si le style de Vittorio Storaro joue abondamment des contrastes, le maestro s’est aussi rapidement signalé par son approche toute personnelle de la couleur -son travail sur L’Oiseau au plumage de cristal, l’un de ses premiers films, est à cet égard déjà impressionnant. « Tout mon écolage s’est fait en noir et blanc, se souvient-il. À l’époque, il n’y avait pas de professeur susceptible de parler de la symbolique, de la physiologie ou de la dramatique des couleurs. Et lorsque j’ai tourné mon premier film, Giovinezza giovinezza (de Franco Rossi, en 1969, NDLR), je l’ai fait en noir et blanc, ne sachant pas comment procéder autrement. Ce fut le seul, parce que j’ai réalisé qu’il me manquait quelque chose. » Non content de jouer de la relation entre ombre et lumière, entre sources artificielles et naturelles, Storaro va bientôt s’employer à sculpter les émotions et les sentiments, des protagonistes comme des spectateurs, à l’aide des tonalités, en quoi il trouvera en Bertolucci un complice attentif. Et ses compositions chromatiques pour Le Conformiste, Le Dernier Tango à Paris ou Novecento vont marquer les esprits tout en bousculant les conventions.

La physiologie de la lumière

La suite, ce sera le début de sa collaboration avec Francis Ford Coppola, qui fait appel à lui pour Apocalypse Now, et son tournage dantesque aux Philippines. De cette expérience, tout a déjà été dit, la folie surtout, dont émerge un chef-d’oeuvre absolu, réussite hors norme à laquelle la photographie, d’une sidérante beauté, n’est pas étrangère. De son propre aveu, il ressort essoré de l’aventure: « Apocalypse Now avait été trop long, trop gros, trop cher, trop difficile et trop dangereux à faire, tout en prenant deux ans de nos vies. Si bien qu’en sortant de cette expérience, je n’étais plus le même. Je n’ai pas tourné pendant un an, et j’ai mis cette période à profit pour étudier de plus près la signification des couleurs, et le type de réactions qu’elles pouvaient susciter chez l’être humain. Mon vocabulaire s’en est trouvé élargi. Je me suis intéressé à la symbolique des couleurs, mais aussi à la physiologie de la lumière. Le rapport de l’homme à la lumière ne passe pas que par les yeux, elle produit également de l’énergie. En fonction de son intensité et de la couleur, notre corps réagit, la pression sanguine, le métabolisme, les émotions changent. Fort de ces éléments, je suis en mesure de changer les sentiments d’un personnage en recourant à tel faisceau de lumière, ou en suggérant au responsable des costumes de l’habiller en orange plutôt qu’en vert. Ce sont des choix que l’on sera de toute façon amené à faire, mais en connaissant la théorie établie par les philosophes et les scientifiques, on peut écrire une histoire à l’aide de la lumière et des couleurs. »

Démonstration dans la foulée avec One from the Heart, fantasmagorie en forme d’explosion de couleurs artificielles qui consacre ses retrouvailles avec Coppola. Le film ne rencontrera pas totalement les ambitions de son auteur, et sera un échec commercial. Quarante ans plus tard, le génie visionnaire du réalisateur y apparaît plus manifeste que jamais, Storaro faisant pour sa part scintiller cette Las Vegas de studio pour faire surgir l’émotion de l’artifice. « À l’origine, Francis voulait tourner le film en décor naturel. Nous sommes allés à Las Vegas avec Dean Tavoularis, le chef décorateur, et j’ai pu réaliser combien les gens qui avaient créé cette ville, cet incroyable parc d’attractions pour adultes au beau milieu du désert, étaient au fait de la physiologie des couleurs, et de l’énergie qu’allait libérer cette débauche de lumière. Après l’expérience d’Apocalypse Now , Francis voulait cependant exercer un contrôle total et le meilleur moyen d’y parvenir était de reconstruire la ville en studio. Cela nous a permis d’expérimenter une nouvelle manière de tourner des films. J’ai pu disposer pour la première fois d’un régulateur de tension, me donnant l’opportunité de varier la lumière au cours d’une même scène. Francis était ouvert aux nouvelles technologies, et l’expérience s’est avérée fantastique: j’ai pu écrire avec la lumière de façon beaucoup plus libre qu’auparavant. » Et traduire avec éclat la vision du cinéaste.

Après que les années 90 et 2000 l’ont vu travailler à diverses reprises avec l’esthète espagnol Carlos Saura, Vittorio Storaro a entamé plus récemment une collaboration avec Woody Allen. Un auteur plus sensible, peut-être, à la narration qu’au style visuel de ses films, sans que cela ait altéré sa manière de procéder: « Quand mon agent à Los Angeles m’a appelé pour me dire que Woody voulait me proposer un film, j’ai insisté pour lire le scénario. Il m’a demandé si j’étais sérieux, mais je dois me sentir à l’aise avec une histoire, et avoir des idées visuelles à proposer. Woody a accepté, et quand j’ai lu Café Society , j’en ai tout de suite vu les possibilités visuelles. J’ai fait des recherches, et nous sommes rapidement tombés d’accord. Pour Wonder Wheel , j’ai eu peur à la lecture du scénario, il y avait dix pages de dialogue dans une cuisine, sept autres dans un salon, je ne voyais pas trop ce que j’allais bien pouvoir faire visuellement. Je ne connaissais pas Coney Island, et Woody m’a dit de ne pas m’en faire, qu’une fois sur place, je déborderais d’idées. Quand j’ai réalisé que l’appartement était au beau milieu d’un parc d’attractions, tout s’est mis en place: j’allais pouvoir utiliser tous les types possibles de changements de lumière, la physiologie des couleurs, donner une certaine tonalité à Kate, une autre à l’autre fille, et jouer de ces variations pour raconter leur histoire. » En d’autres mots, écrire avec la lumière…

Le magicien de la lumière

L’Oiseau au plumage de cristal

Un Dario Argento au sommet de son art signe, à l’orée des années 70, L’Oiseau au plumage de cristal, l’histoire de Sam Dalmas, un écrivain américain témoin d’une tentative de meurtre dans une galerie d’art romaine, l’oeuvre d’un tueur en série selon toute apparence. Le maître du giallo combine tension et effroi avec maestria, à quoi Vittorio Storaro apporte son sens aiguisé de la composition, et un jeu angoissant sur les ambiances nocturnes et les couleurs.

De Dario Argento, 1970.

Le magicien de la lumière

L’Oiseau au plumage de cristal

Un Dario Argento au sommet de son art signe, à l’orée des années 70, L’Oiseau au plumage de cristal, l’histoire de Sam Dalmas, un écrivain américain témoin d’une tentative de meurtre dans une galerie d’art romaine, l’oeuvre d’un tueur en série selon toute apparence. Le maître du giallo combine tension et effroi avec maestria, à quoi Vittorio Storaro apporte son sens aiguisé de la composition, et un jeu angoissant sur les ambiances nocturnes et les couleurs.

De Dario Argento, 1970.

Le magicien de la lumière

L’Oiseau au plumage de cristal

Un Dario Argento au sommet de son art signe, à l’orée des années 70, L’Oiseau au plumage de cristal, l’histoire de Sam Dalmas, un écrivain américain témoin d’une tentative de meurtre dans une galerie d’art romaine, l’oeuvre d’un tueur en série selon toute apparence. Le maître du giallo combine tension et effroi avec maestria, à quoi Vittorio Storaro apporte son sens aiguisé de la composition, et un jeu angoissant sur les ambiances nocturnes et les couleurs.

De Dario Argento, 1970.

Le magicien de la lumière

L’Oiseau au plumage de cristal

Un Dario Argento au sommet de son art signe, à l’orée des années 70, L’Oiseau au plumage de cristal, l’histoire de Sam Dalmas, un écrivain américain témoin d’une tentative de meurtre dans une galerie d’art romaine, l’oeuvre d’un tueur en série selon toute apparence. Le maître du giallo combine tension et effroi avec maestria, à quoi Vittorio Storaro apporte son sens aiguisé de la composition, et un jeu angoissant sur les ambiances nocturnes et les couleurs.

De Dario Argento, 1970.

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