BLUE NOTE EST NÉ IL Y A 75 ANS. AFIN DE CÉLÉBRER CETTE DATE, UNIVERSAL RÉÉDITE UNE PARTIE DU CATALOGUE SOUS FORME DE LP DE QUALITÉ AUDIOPHILE. UN PEU D’HISTOIRE…

Sauf à vouloir nous faire croire qu’il continue à exister aujourd’hui (le nom, certes, perdure), Blue Note, créé par Alfred Lion, n’a existé qu’entre deux mois de mars, ceux de 1939 et 1971. Soit les 32 années séparant sa création du décès de Francis Wolf qui avait rejoint à New York son ami d’enfance l’année même de la fondation du label -et qui en deviendra le directeur artistique après 1967 et la retraite de son fondateur. Si aujourd’hui Blue Note est totalement identifié à un hard bop magnifié par le graphisme de Reid Miles (lequel ne commencera pourtant à collaborer avec Blue Note qu’en 1956), le label n’a pourtant cessé d’évoluer tout au long de son histoire.

Emigré juif ayant quitté l’Allemagne pour l’Amérique du Sud en 1933 puis rejoint les Etats-Unis cinq ans plus tard, Alfred Lion est un amateur de boogie-woogie et de jazz New Orleans. Les premiers enregistrements publiés par Blue Note de Mead Lux Lewis et Albert Ammons, un duo de piano boogie, ainsi que de Sidney Bechet correspondent à ses goûts de l’époque. En sommeil durant la guerre, Blue Note se tourne en 1945 sur les conseils du saxophoniste Ike Quebec vers le be-bop. Seul décideur artistique (Wolf s’occupe de l’administratif tout en devenant le génial photographe des sessions maison), Lion enregistrera le trompettiste Fats Navarro, les pianistes Tad Damerron et Thelonious Monk, Art Blakey’s Messengers et Bud Powell dès la seconde moitié des années 40. A l’avènement, en 1954, du hard bop, Lion va se tourner presqu’exclusivement vers ce style qu’il documentera abondamment. Les musiciens qui rejoindront à cette occasion le label y trouveront des conditions de travail inconnues jusque-là, les cessions d’enregistrements (réalisées par Rudy Van Gelder) se voyant toujours précédées d’une journée de répétitions rémunérée. Le label publiera les plus grands (Sonny Rollins, Miles Davis, John Coltrane), multipliera les découvertes (les pianistes Sonny Clark, Kenny Drew, Herbie Hancock, Andrew Hill, les saxophonistes Johnny Griffin, Joe Henderson, Stanley Turrentine, les trompettistes Lee Morgan, Donald Byrd, Kenny Dorham, Freddie Hubbard), il offrira aussi une vraie carrière discographique de solistes à ses artistes les plus géniaux (Horace Silver, McCoy Tyner, Wayne Shorter) et un nouveau départ à des musiciens longtemps disparus (Dexter Gordon) ou en pleine évolution (Jackie McLean). Blue Note deviendra le refuge des guitaristes (Kenny Burrell, Grant Green), des organistes (Jimmy Smith, Big John Patton) mais aussi des trompettistes (Thad Jones, Donald Byrd, Blue Mitchell) et des saxophonistes (Clifford Jordan, Stanley Turrentine, Hank Mobley) dont certains deviendront de véritables stars.

La première moitié des années 60 restera sans doute comme la plus riche du label. Acceptant avec réticence le free jazz, Alfred Lion enregistrera néanmoins, sur les conseils de Jackie McLean en pleine transition vers la « new thing », Ornette Coleman, Don Cherry, Cecil Taylor, Tony Williams, le tromboniste Grachan Moncur III, l’organiste Larry Young, le saxophoniste Sam Rivers ou le vibraphoniste Bobby Hutcherson, tout en favorisant, à travers la personne d’Horace Silver, la naissance d’un autre courant, le « soul jazz » au fort parfum de blues, qui permettra à Lou Donaldson de retrouver une nouvelle jeunesse et révélera les frères Turrentine.

TEXTE Philippe Elhem

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