Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Jadis omniprésents, les films français n’ont plus que très rarement droit de sortie sur les écrans flamands. Retour sur une évolution sans doute irréversible.

Il est bien loin le temps où Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Bourvil et Louis De Funès attiraient les foules tant au nord qu’au sud du pays. Le cinéma français, fort de ses vedettes internationales, s’affichait en grand sur les écrans d’Anvers, Gand, Bruges, Louvain ou Courtrai. Aujourd’hui, les productions françaises se font rares dans les salles de Flandre. Certains distributeurs spécialisés dans la production d’outre-Quiévrain ne font même plus l’investissement que représente un sous-titrage en néerlandais (autour de 2 000 euros pour la première copie, et de 1 000 pour chaque copie suivante) et réservent leurs sorties à Bruxelles et à la Wallonie.

PRODUITS BOITEUX

Comment en est-on arrivé là? Michel Luel, directeur d’Alternative Films et nanti d’une solide expérience avec notamment le cinéma français, pose une analyse sans complaisance d’une évolution désormais irréversible.  » Dans les années 50 à 70, au-delà des problèmes linguistiques, la France possédait encore un rayonnement culturel auquel n’échappait pas la Flandre, explique le distributeur bruxellois. Il s’y ajoutait le charisme d’acteurs hors-norme, vedettes internationales comme un Jean Gabin par exemple. Peu à peu, l’aura culturelle de la France a diminué, jusqu’à ne plus représenter grand-chose pour les Flamands des nouvelles générations qui ne parlent même plus le français. Par ailleurs, le cinéma français propose trop souvent des produits boiteux, à cause des coproductions télé, du manque de vision des producteurs, de l’ego surdimensionné des réalisateurs. Il n’est dès lors pas surprenant qu’il soit boudé dans un contexte où la France n’a plus, de manière globale, son rayonnement culturel passé…  »

Si Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, Ensemble c’est tout, font figure d’exception en ayant bien marché en Flandre, c’est selon Michel Luel  » parce qu’ils offrent de confortables clichés (Montmartre, un air d’accordéon, une chanson d’Yves Montand…). Comme le disait Samuel Goldwyn (1), les gens aiment être surpris par ce à quoi ils s’attendent! ». En dehors de ça, même les meilleurs films français suscitent un rejet initial.  » Les exploitants de salles de cinéma flamands ont refuséLe Scaphandre et le papillon. Il a fallu qu’il brille au Festival de Cannes pour qu’ils deviennent demandeurs. Même chose pour La Graine et le mulet , dont la plupart des exploitants ne voulaient pas jusqu’à ce qu’il remporte les Césars… « , constate notre interlocuteur.

DéSAFFECTION DU PUBLIC

Lequel s’empresse de replacer ses propos dans un contexte plus général de désaffection du public, surtout jeune, pour le cinéma dit d’art et d’essai:  » A Louvain, par exemple, ville universitaire pourtant et de tradition intellectuelle, ce type de cinéma est pratiquement mort. Mais ce n’est pas propre à la France. En Wallonie, même si les Grignoux font à Liège un travail exemplaire, il est terriblement difficile d’aller chercher des spectateurs pour ce qui n’est pas un film de pur divertissement! A Mons, à Charleroi, à Namur aussi, des gens se battent pour la bonne cause, mais c’est une lutte coûteuse, aux résultats incertains et souvent décevants. Les spectateurs ne veulent pas « se casser la tête  » et fuient tout ce qui paraît un peu exigeant…  » Et de citer des chiffres récents, marquant un recul statistique inédit mais très net du public jeune (captivé par l’Internet, les jeux vidéo) au profit des adultes. Et ce dans un marché en très forte baisse, dans l’ensemble du pays (- 6,7 % en 2007), en Flandre (- 4,5 %) mais aussi et surtout en Wallonie (- 6,6 %) et à Bruxelles (- 9,8 %)…

(1) Cofondateur du grand studio hollywoodien MGM (Metro-Goldwyn-Mayer).

LOUIS DANVERS

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