Le Grand Bleu
» Muddy était un jeune homme vigoureux de 26 ans. Ses pommettes saillantes et ses paupières qui tombaient laissaient entrevoir un regard impassible. (…) Grâce à son tripot, il parvenait à dégager des profits qui, quoique modestes, étaient néanmoins garantis. (…) Muddy ne disait mot mais, depuis qu’il était à peine adolescent, il avait toujours voulu faire un disque. » Le « bou(s)eux » en question -traduction littérale de Muddy-, l’homme qui donna leur nom aux Rolling Stones via l’un de ses titres, positionne le musicien comme personnage central et emblématique de Deep Blues, la bible de plus de 400 pages du journaliste et écrivain américain Robert Palmer (1945-1997), parue en langue anglaise en 1982. La traduction française est aujourd’hui publiée par la maison parisienne Allia.
Un regard à la hauteur de son titre: profondeur sensuelle d’analyse, biographies fouillées, manne de scènes comme quasi vécues dans la chaleur étouffante du Sud et d’anecdotes aussi humides que valides. L’ouvrage donne des visages et des couleurs aux intervenants, ces mecs -à 95% Noirs- ramenant dans leur sillon des rythmes brûlés sous la souffrance et l’antique ségrégation. D’où ce sentiment d’une enquête remarquable qui expose des artistes longtemps délaissés par la communauté blanche US. En tout cas, jusqu’à l’électricité du Chicago Blues des années 50. À nouveau avec Muddy Waters, loin d’être le seul héros d’une saga qui a l’élégance de s’accompagner de plusieurs centaines d’images aussi signifiantes que le brillant texte. L’ouvrage, pas loin d’être fondateur, ouvre aussi une fenêtre pour comprendre les enjeux de la saga musicale 2.1. Le rock et toutes ses arborescences.
Deep Blues, de Robert Palmer, éditions Allia, traduit de l’anglais (États-Unis) par Olivier Borre et Dario Rudy, 444 pages.
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