Le fleuve qui voulait écrire

© Mantovani/Gallimard

Comment faire pour lutter contre le dépérissement des êtres qui composent ce que nous continuons, de manière un peu naïve, à appeler « nature »? Si les mobilisations politiques, les grandes déclarations de principe ou les avertissements des scientifiques ne suffisent plus, ne serait-il pas temps de passer à un autre régime d’action? Et pourquoi pas celui du droit? S’inspirant du cas des fleuves Atrato en Colombie ou Whanganui en Nouvelle-Zélande, l’écrivain Camille de Toledo a conçu un dispositif original afin de débattre de manière très sérieuse de la possibilité de reconnaître à la Loire quelque chose comme une personnalité juridique. Dès lors que les lois semblent être devenues les derniers remparts contre l’inconséquence politique et économique des décideurs du présent, c’est du côté du monde du droit qu’il faut se tourner pour tenter de conférer aux êtres de la nature les capacités d’agir que nous leur refusons par ailleurs. Afin d’établir la solidité d’une telle hypothèse, le « Parlement de Loire » s’est réuni pendant un an et demi, à Tours, à Blois ou à Saint-Pierre-des-Corps, et a entendu une série d’invités prestigieux afin d’aboutir à une constitution nouvelle, où la question de la vie commune entre humains et non-humains serait prise en compte de manière plus juste -et surtout plus légale. Parmi ces invités, on repère Bruno Latour, Valérie Cabanes, Matthieu Duperrex, Frédérique Aït- Touati, et bien d’autres philosophes, anthropologues, juristes, etc. -tout le gratin de la pensée contemporaine de la Terre. Dans Le fleuve qui voulait écrire, Camille de Toledo a retranscrit les paroles des auditionnés, qu’il a entourées d’un nuage de références et de lectures -ainsi que de deux beaux textes où il tente de déployer la question de la reconnaissance du statut de sujet de droit du fleuve comme une question de langue à inventer, de parole qu’il s’agit d’entendre. L’objet est magnifique, les discours généreux et l’objectif d’une utopie tout à fait concrète.

Le fleuve qui voulait écrire

De Camille de Toledo, éditions Manuella/Les liens qui libèrent, 384 pages.

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