Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

En 2008, Justice a enfoncéle clou. Notamment grâce à une attention toute particulière accordée au clip. Entretien.

n trois vidéos à peine, les Français de Justice ont marqué les esprits. La première, D.A.N.C.E., jouait astucieusement avec les imprimés de t-shirts. La seconde, DVNO, a marqué à sa manière l’histoire du « clip typographique ». Avec ses images de violence gratuite, Stress a voulu créer la rupture: elle a surtout suscité la controverse. Explications avec Gaspard Augé, moitié moustachue du duo électro.

Focus: comment naît un clip de Justice?

Gaspard Augé: les vidéos ne bénéficiant que de budgets restreints, on essaie toujours de partir d’une idée simple, qui soit résumable en une phrase, et réalisable assez rapidement. Cela dit, cela correspond également à notre démarche musicale. A savoir composer des morceaux les plus courts et les plus pertinents possibles.

Est-il vrai que vous imaginez d’abord le clip par rapport à sa diffusion sur le Net, avant la télé?

Pas forcément. Le fait est que cela s’est passé comme ça dès le départ. Le Net est le moyen de diffusion le plus rapide et le plus populaire. On a donc toujours commencé par là, avant d’envoyer la vidéo aux chaînes de télé.

Jusqu’à quel point êtes-vous impliqué dans la réalisation?

A chaque fois, l’idée de départ vient de nous. Xavier et moi avons une formation de graphistes. Cela peut aider. Et puis, So Me ( Ndlr: directeur artistique des deux premiers clips de Justice) est un ami, on habite dans le même immeuble. C’est précieux: on a la chance de pouvoir diffuser le fruit de discussions tardives au cognac. Au-delà, notre travail sur les clips fait partie d’un projet global. C’est la même chose pour le marketing. On essaie de ne pas l’utiliser comme quelque chose d’ennuyeux et de rebutant, par lequel il faut absolument passer. On préfère le transformer en un jeu qui permet de créer de beaux objets, de belles vidéos. Après, il y a forcément des choses qui nous échappent.

D’où vient par exemple l’idée du clip de DVNO?

D’une récente tournée aux Etats-Unis. La télé américaine est vraiment horrible. Mais on a été marqué par tous ces jingles de plus ou moins bons goûts et autres TV idents qui servent à présenter les émissions. Ils utilisent toujours des grosses lettres en 3D, avec plein des reflets. On s’est dit que ce serait amusant d’utiliser ces codes pour illustrer les paroles du morceau, y compris en reprenant des choses parfois horribles.

Longtemps, la musique électronique s’est voulue anonyme. A l’inverse, chez Justice, l’image est fondamentale.

On nous en parle souvent. C’est vrai que la musique électro s’est construite en partie en réaction au mainstream: les gars apparaissaient en cagoule, il n’y avait pas de pochette… Mais même l’absence d’image, en tant que rejet de toute starification, est en soi déjà une image. Le fait est que ni Xavier ni moi n’avons ce background électronique. C’est une question de génération. On a bien davantage écouté de la pop et du rock, soit des musiques qui fonctionnent plus étroitement avec l’image. Nous n’avons jamais été en rave, et encore aujourd’hui on n’écoute toujours pas d’électronique chez nous. Avec Justice, on essaie en fait de mettre au point une pop moderne, qui est uniquement électronique de par son processus de création, puisqu’elle est réalisée à partir d’ordinateur. C’est une question de commodité. Mais si on avait l’argent et le talent pour enregistrer en studio, on le ferait peut-être. Même si ce ne serait sûrement pas aussi intéressant et contemporain.

Laurent Hoebrechts

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