Le Festival 5 sur 5 de La Louvière illustre le foisonnement des cinémas du réel en Belgique. Une richesse paradoxale que commente Richard Olivier.

La voie du documentaire, défrichée dans la première moitié du XXe siècle par Henri Storck et quelques autres cinéastes majeurs, reste aujourd’hui une des plus fécondes de la cinématographie belge, francophone essentiellement. Les Dardenne y ont fait leurs premières armes, Thierry Michel ( Mobutu roi du Zaïre) y est devenu référence internationale, Anne Lévy-Morelle ( Le Rêve de Gabriel) s’y est trouvé un vaste public, et des perles comme le merveilleux (inexplicablement resté inédit) Esther Forever de Richard Olivier continuent à y être découvertes.

Côté festivals aussi, l’abondance est de mise, avec quelques manifestations marquantes comme Filmer à tout prix et des récompenses glanées un peu partout dans le monde par les productions « made in Belgium ». Depuis cinq ans, La Louvière abrite un festival intitulé 5 sur 5 et dont une des particularités est d’accueillir de jeunes cinéastes de tous les continents pour leur offrir de tourner chacun un court- métrage documentaire dans la région. A ces invités du monde s’ajoute un autre, venu de… Flandre, pour un « zesde oog ». Les films ainsi réalisés sont ensuite projetés, puis repris sur un DVD. Le tout produit par Espace Dragone, une asbl liée au plus célèbre des citoyens louviérois, le metteur en scène de grands spectacles « vivants » Franco Dragone.

Cinéma de la réalité

Si les travaux nés dans le cadre de 5 sur 5 s’inscrivent dans le documentaire classique, privilégiant le sujet filmé, l’univers de ce qu’on préfèrera nommer « cinéma de la réalité » s’étend à des formes nettement plus personnelles et aventureuses. Richard Olivier, que son travail dans de très fondamentales émissions télévisées Faits divers et Strip-tease, puis des longs-métrages comme Marchienne de vie ou Petits meurtres ordinaires, qualifie d’évidence pour aborder le sujet, explique qu’il y a bien  » un problème de mots« :  » Le mot documentaire recouvre tout mais ne veut au fond rien dire, tant il désigne des choses absolument différentes, depuis le film sur la pêche au thon jusqu’à la création ultrapersonnelle d’un auteur se mettant lui-même en scène… J’aime l’expression visions – au pluriel – du réel, qui donne d’ailleurs son titre au festival de Nyon, en Suisse (1). Nombre de réalisateurs veulent aujourd’hui ne pas prendre de comédiens mais des gens de la vie, ne pas partir d’une fiction mais du réel, tout en projetant leur créativité de manière telle que le film n’existerait pas sans cette implication intime, ce regard à la première personne qui transcende la réalité.  »

Olivier n’hésite pas à décrire le documentaire comme  » accouplé à la réalité, à l’authenticité« , une étreinte créatrice qui incarne bien ce qui l’a poussé lui-même vers cette forme d’expression.  » Je suis venu à ce cinéma-là à cause du goût des autres (pour reprendre le beau titre du film d’Agnès Jaoui), pour regarder les autres avec mes yeux, mon c£ur et mon âme, en une très curieuse alchimie…  » Une vocation puissante, mais certes peu confortable. Les documentaires de création se voient de moins en moins programmés par les télévisions généralistes, au profit de films « informatifs », et les moyens nécessaires à la mise en £uvre de projets personnels ne sont pas faciles à réunir.  » Cela reste un cinéma de pauvre!« , clame un Richard Olivier dont le superbe, drôle et bouleversant portrait de dame Esther Forever a été réalisé avec 15 000 euros seulement… Un film magnifique auquel aucune diffusion valable n’est encore promise malgré ses qualités et son vrai potentiel public.  » Heureusement qu’existent les festivals, et Internet, pour faire voir nos films« , conclut le cinéaste qui s’est récemment attelé à Bige Memory, un projet énorme et unique en son genre: filmer TOUS les réalisateurs belges, recueillir leur définition du cinéma, leurs motivations, plus une anecdote et une image pouvant représenter leur £uvre et leur vie.

(1) http://www.visionsdureel.ch

Festival 5 sur 5. Du 6/09 au 4/10 à La Louvière. www.festival5sur5.bePour en savoir plus sur le travail de Richard Olivier: http://www.olivier-films.be

TEXTE LOUIS DANVERS

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