Le Dernier des siens

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Au milieu du XIXe siècle, le grand pingouin de l’hémisphère nord, documenté depuis l’art pariétal, s’éteignait à jamais -pour des volatiles au volume comparable, il faudrait dès lors compter sur le manchot royal, côté sud. Sur la base de cette catastrophe écologique qui en rappelle d’autres, Sibylle Grimbert, rompue à l’art de passer d’un geste de la comédie sociale à un art consommé de l’autopsie du malaise (sinon du mal-être), a imaginé la formation d’un couple original: Gus, un jeune naturaliste tour à tour aventurier ou pantouflard, rencontre, lors d’une virée exploratoire sur l’île Eldey (au sud de l’Islande), Prosp, un représentant de cette espèce en bout de course. Le ramenant jusqu’aux Orcades, dans l’espoir d’en faire un objet d’études susceptible de booster sa carrière, le scientifique ne tardera pas à percevoir, dans ce simple échantillon, l’ultime survivant d’une disparition annoncée, et surtout, dans cette boule de plumes assez grotesque, un individu au caractère bien trempé. Partant, il s’attachera pleinement à son nouvel ami, tout en s’interrogeant avec quelques collègues sur l’impact de l’homme sur son écosystème: “L’homme peut avoir des effets dévastateurs sur les espèces, mais son pouvoir, j’imagine, est quand même limité au regard de l’immense surface du globe, je suppose.” On imagine mal, à l’époque en effet, à quel point une machine folle est lancée, et les suppositions pèsent bien peu au regard de l’évidence. Grimbert réalise le tour de force de décrire une inoubliable amitié inter-espèce, tout en mêlant son timbre unique à l’appel du tocsin.

De Sibylle Grimbert, éditions Anne Carrière, 192 pages.

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