Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

LA COLLABORATION ENTRE RIVAGES ET CASTERMAN RENDAIT INÉVITABLE L’ADAPTATION DU CHEF-D’OEUVRE D’ELLROY. UN PARI PLUTÔT RÉUSSI, AVEC DAVID FINCHER AU CASTING.

Le Dahlia Noir

DE MILES HYMAN, MATZ, DAVID FINCHER ET JAMES ELLROY, ÉDITIONS RIVAGES/CASTERMAN/NOIR, 170 PAGES.

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Matz, scénariste de ce roman graphique né de la collaboration entre l’éditeur de BD Casterman et l’éditeur de romans noirs Rivages, le dit lui-même en préambule: « Adapter Le Dahlia Noir de James Ellroy, c’est risqué. On est attendu au tournant. On se met à la merci des critiques, pour ne pas dire de ses ennemis. Parce que c’est Le Dahlia, parce que c’est Ellroy. » Difficile donc, mais inévitable: Le Dahlia Noir reste la plus grosse vente du plus gros vendeur de Rivages (600 000 exemplaires). Après une trentaine d’adaptations, loin d’être toutes réussies, il était donc temps de s’attaquer au monstre, référence incontournable du polar américain contemporain.

Publié en 1987, Le Dahlia Noir prend place dans le Los Angeles des années 40 et 50, et doit son nom et son fil rouge à un véritable fait divers: la jeune Betty Short découverte éviscérée et découpée en deux, dans un terrain vague. Son assassin ne fut jamais identifié, à l’image de celui de la mère d’Ellroy, elle-même assassinée en 1958… Le Dahlia est donc un roman-miroir, doté d’une charge affective énorme, mais se veut aussi le roman-fleuve d’une époque et d’un lieu, extrêmement précis et fouillé, mêlant dans une intrigue complexe histoires de flics, de politique, de sexe, de boxe, de corruption, de famille… Un monument. Et dont la réussite et le souffle doivent tout au style d’Ellroy, jamais lu jusque-là: une prose âpre et sans concession jouant sur la répétition, les phrases courtes, la typo, les silences… Adapter la bête relevait donc de la sortie attendue, mais aussi de l’exploit. Il fallait bien s’y mettre à quatre.

Une BD à défaut de film

Le scénariste Matz, déjà auteur de la série Le Tueur et d’autres adaptations noires, a fait l’essentiel du boulot: élaguer ce qui pouvait l’être, prendre le pli de rester dans les mots de l’auteur -au prix d’une narration en voix off parfois pesante -et recruter le dessinateur idoine, à savoir Miles Hyman, un Américain à Paris dont le dessin très pictural (chaque case se voulant presque une peinture) assure l’immersion dans ce L.A. des fifties, parfaitement reproduit. Mais quid de David Fincher? La présence en couverture du réalisateur de Seven, de Fight Club ou du Zodiac ne tient pas seulement du « name dropping » un peu clinquant: Fincher avait effectivement travaillé sur une nouvelle adaptation ciné, après le ratage de De Palma. Un projet inabouti, mais en partie story-boardé. Et dont Matz a eu l’occasion de discuter, longuement, avec le réalisateur, lorsqu’il était lui-même aux USA pour l’adaptation de son Tueur (Du Plomb dans la tête, avec Stallone).

Ce cocktail étonnant donne un roman graphique très cinématographique et presque aussi ample que son modèle. Il offre la même intrigue labyrinthique plongeant au plus profond des maux de l’homme moderne. Et assure sa fonction: un excellent digest de l’oeuvre originelle.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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