Le Corps des bêtes

Intemporel et flou géographiquement parlant, le troisième roman de la Québécoise Audrée Wilhelmy se singularise par son univers fantasmagorique. Mie a 12 ans, elle s’élève seule dans une communauté autarcique où sa mère Noé se contente de mettre au monde des enfants conçus par deux frères. Sur ce morceau de plage coincé entre l’océan et la forêt, terrain de jeux et espace de vie du clan des naufragés vivent donc « la vieille », les deux fils qui lui restent, la sauvageonne Noé, à la fois manipulatrice, dangereuse et victime, et quatre petits-enfants. Mie est l’un d’eux, elle qui « sait les corps des animaux, mais ignore tout du sien ». Car ce roman est avant tout une fresque familiale, amorale, au-delà des conventions où l’apprentissage se fait par la nature, sans jugement. L’inceste et la sexualité y sont présents, l’éveil du corps qui taraude l’imagination de Mie va l’inciter à demander à son oncle Osip, gardien du phare, de l’initier à la sexualité des humains. Analphabètes, sales, débauchés selon nos normes, les personnages sont livrés à leur liberté, seulement contraints par les éléments climatiques. L’auteure nous offre un récit parsemé de légendes orientales, son écriture est peaufinée; les mots justes dévoilent judicieusement notre part d’animalité intrinsèque. Envoûtant et dérangeant.

d’Audrée Wilhelmy, Éditions Grasset, 193 pages.

7

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