La sortie de Che-l’Argentin, premier volet du diptyque consacré par Steven Soderbergh à Ernesto Guevara, en apporte une nouvelle démonstration: le biopic – ou biographie filmée – a plus que jamais la cote.

Ce que certains défenseurs du développement durable osent à peine rêver, le cinéma l’a fait: le triomphe du bio. Un simple coup d’£il sur les sorties des derniers mois est, à cet égard, éloquent: Sagan, de Diane Kurys, W, d’Oliver Stone, Mesrine, de Jean-François Richet, Coluche, d’Antoine de Caunes, Séraphine, de Martin Provost, Factory Girl, de George Hickenlooper,…, on ne compte plus les biopics s’étant frayés, avec un bonheur inégal, un chemin vers nos écrans. Tendance toujours d’actualité, d’ailleurs, puisqu’à Che-l’Argentin, première partie du diptyque consacré par Steven Soderbergh à Ernesto Che Guevara, annoncé mercredi prochain ( lire notre critique en page 28), avec un épatant Benicio Del Toro dans le rôle-titre, succéderont Milk, de Gus Van Sant, avec Sean Penn, Coco avant Chanel, d’Anne Fontaine, avec Audrey Tautou, ou encore S£ur sourire, de Stijn Coninx, avec Cécile de France, premières d’une myriade de biographies filmées annoncées.

Biographie à la française

On peut tenter d’avancer diverses explications à un phénomène inédit dans son ampleur. La première étant que, longtemps spécialité quasi exclusive du cinéma anglo-saxon, le biopic semble avoir, depuis le triomphe de La Môme, biographie de Piaf signée Olivier Dahan, un pendant français. Entre les producteurs qui y trouvent leur intérêt financier, et les comédiens qui y voient la perspective de rôles porteurs – Marion Cotillard a fait des émules, de Sylvie Testud à Vincent Cassel -, on se bouscule, en effet. La déferlante de 2008 ne devrait dès lors pas rester sans lendemain, avec des projets annoncés autour de Gainsbourg (Eric Elmosnino dans un film de Joann Sfar), Coco Chanel encore ( Chanel et Stravinsky, de Jan Kounen, avec Anne Mouglalis et Mads Mikkelsen), ou – mais à horizon plus lointain, cette fois -, Romy Schneider et autre Yves Montand.

Le cinéma français ne fait jamais là que reproduire une recette éprouvée par le cinéma américain, prompt à tirer le portrait de figures illustres, avec un impact public quasi assuré, à défaut parfois de véritable ambition artistique. Stars de la musique ( Ray, Walk the Line, The Doors,… ), vedettes sportives ( Raging Bull, Ali,… ), hommes politiques, statufiés ou non ( Nixon, Malcolm X,…), les scénaristes semblent avoir trouvé là une manne sans fond de sujets, alimentant une tendance surfant sur des sentiments divers: valeurs d’identification ou emblématique, souvent; métaphorique, parfois; voire, enfin, nostalgique. A l’heure où les modèles porteurs se font rares, crise idéo-logique aidant, ou quand ils sont galvaudés à force d’être surexposés, faire revivre les icônes du passé est à la fois tentant et porteur…

C’est dire aussi que le biopic recouvre des réalités variables, alignant côte à côte un Ian Curtis ( Control, d’Anton Corbijn) et un Harvey Milk ( Milk, de Van Sant); annonçant un Allen Ginsberg ( Howl, de Rob Epstein), comme un James Brown, que mettra en scène Spike Lee.

A cet égard, Che concentre en quelque sorte tous les attributs du biopic. Voilà en effet une personnalité au destin à ce point hors normes que deux films ont été nécessaires à Steven Soderbergh pour tenter de la cerner. Voilà aussi une figure devenue « pop star » malgré elle, indémodable effigie pour T-shirts et garniture pour chambres d’adolescents. Voilà, enfin, un leader charismatique dont le combat pourrait fort bien trouver des échos contemporains.

La liste est longue…

On a, du reste, appris à la Berlinale (où l’on peut aussi, signe des temps, découvrir Notorious, de George Tillman, autour de Notorious B.I.G., mais encore Forever Enthralled, de Chen Kaige, autour du chanteur et comédien de l’opéra de Pékin Mei Lanfang) qu’un autre révolutionnaire serait bientôt remis à l’honneur cinématographique. A savoir Pancho Villa, à qui l’on prête les traits de Javier Bardem dans un film tourné par Emir Kusturica… Du fort beau monde, donc. Et ce ne sont pas Steven Spielberg, Martin Scorsese ou Clint Eastwood qui nous démentiront, eux à qui l’on attribue respectivement pour l’heure des projets autour d’Abraham Lincoln, Théodore Roosevelt et Nelson Mandela…

Texte Jean-François Pluijgers

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