Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

UN ALBUM ENTIER QUI DÉBLATÈRE CONTRE LE GÉANT MONDIAL DU GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉ? UNE RHÉTORIQUE PAS EXEMPTE DE CONSERVATISME.

Neil Young + Promise of The Real

« The Monsanto Years »

ROCK. DISTRIBUÉ PAR WARNER.

7

The Guardianlistait il y a quelques jours « the many furies of Neil Young », soit ses colères et chansons contre: contre la qualité du son digital, la pollution automobile, la guerre en Irak, Kent State (1), le projet de pipeline Keystone et plus récemment Donald Trump, candidat républicain ayant emprunté son Rockin In The Free World. Mais c’est la première fois que Young centre l’intégralité d’un album sur un sujet -les multinationales US, en particulier Monsanto, champion du gène modifié aux 2,5 milliards de dollars de bénéfice annuel, fabricateur en son temps de l’agent orange (2). Young embauche les deux fils de Willie Nelson dans un disque dominé par les guitares et les textes agacés. C’est donc sur un sifflotement de merle moqueur que Young et ses nouveaux jeunes copains bombardent A Rock Star Bucks A Coffee Shop de ces lignes: « Yeah, I want a cup of coffee/ But I don’t want a GMO/I’d like to start my day off/Without helpin’ Monsanto » Puisque, selon Young, le géant du café bobo booste ses latte d’OMG. Le salaud.

Neil enfonce le clou dans le titre Monsanto Years où il parle de l’achat de pain: « When you shop for your daily bread and walk the aisles of Safeway/Find a package to catch your eye that makes you smile at Safeway/Choose a picture of an old red barn on a field of green/With the farmer and his wife and children, to complete the scene at Safeway/The family seeds they used to save were gifts from God not Monsanto. » Le blé comme cadeau de Dieu, la famille, la vieille ferme: on n’est pas si loin d’une version ricaine des « plus beaux villages de France« selon Stéphane Bern. Ce fond de patriotisme conservateur n’est pas neuf chez le Canadien: dans les années 80, il supporte Ronald Reagan et déclare être « fatigué que les Etats-Unis doivent s’excuser pour ce qu’ils font ». Ce qui ne l’empêchera pas de sermonner ultérieurement Bush Jr ou, ici, de critiquer le pétrolier Chevron (People Want To Hear Songs About Love)ou l’exploitation du personnel chez Walmart,première entreprise mondiale en termes de chiffre d’affaires (Big Box). Le tout via des textes plutôt adeptes du premier degré, genre jérémiades entre potes râleurs. D’où cette impression de slogans peu affutés et, parfois aussi, d’enfonçages de portes ouvertes. Restent l’énergie youngesque, les riffs garage crasseux et sa voix de sinus bouchés, pétrolant en cruising automatique sur Workin’ Man ou le gourmand Rules of Change, sans doute le meilleur titre du lot. Qui n’empêche pas le tout d’être, au final, moins saignant que le sujet de controverse choisi.

(1) YOUNG ÉCRIRA OHIO APRÈS QUE LA GARDE NATIONALE, EN 1970, A TUÉ QUATRE ÉTUDIANTS SUR LE CAMPUS DE KENT STATE.

(2) DÉFOLIANT UTILISÉ PAR L’ARMÉE AMÉRICAINE AU VIETNAM SUR LES POPULATIONS CIVILES.

PHILIPPE CORNET

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