Que se passe-t-il quand la pub s’arrête – en soirée pour l’instant – sur la télé publique française?

David Pujadas nous dit le dimanche 4 janvier:  » C’est un véritable big-bang pour la télévision publique. » Le présentateur du journal de France 2 annonce ainsi la disparition, dès le lendemain, de la publicité en soirée sur les télévisions publiques françaises (1). Pour sa dernière virée, pubs, séquences promos et sponsorisées nous offrent un très joli tunnel d’après journal: dix-neuf minutes chrono. Lundi 5 janvier. France 2, 20 h 35, France 3, 22 h 25. Mardi 6. France 5,22 h 35, etc.: la pub a disparu mais le sponsoring se porte bien ( La Française des Jeux vous présente…) et l’autopromotion des programmes bat des records olympiques. On voit aussi des interludes curieux, comme ces cinq minutes pour  » expliquer les phénomènes météorologiques et les termes techniques entendus quotidiennement » . Globalement, aucune manque ne se fait sentir, la désintox n’est pas en vue. La pub s’est envolée, on est juste content.

On me dit. La pub c’est sympa, pas seulement parce qu’elle sert à mettre les enfants au lit, vérifier la température de la bière au frigo ou faire sa petite cour (la grande sur TF1) . D’ailleurs, il y a même des gens qui paient pour cela, se rassemblent et jettent du pop corn sur un écran déversant des spots du monde entier. Contrairement au singe du zoo, l’écran ne répond pas.

Un art mineur

Dans les années 80 particulièrement, la pub quitte son ornière naturelle, celle de la réclame. Elle se la pète et veut rentrer dans des catégories reines, disons celles de la musique et du cinéma, alors que sa nature fait d’elle une coureuse de cent mètres pas de dix mille. Parfois, elle amuse, brûle par son inventivité, ses réflexes visuels, ses slogans dégelés, mais elle reste – par nature – un art mineur. Contrairement à la chanson. Pour une simple raison: si elle capte une certaine vision du monde, la pub n’est pas émouvante. Elle est là pour vendre du plaisir, un pneu, du carrelage, une soupe, pas pour traduire les palpitations de l’âme. Comparer Jacques Séguéla à Kubrick, c’est comme mettre un grille-pain face à un cheval: l’un court, l’autre pas. Et le premier n’existe que par la grâce de l’électricité, dans ce cas-ci, c’est la télévision qui sert de 220 volts. La pub est morte – ou comateuse – sur le service public français. Il n’y a pas eu de pétition ou de mutilation de spectateurs frustrés, hurlant devant France Télévisions:  » Rendez-nous nos écrans publicitaires en soirée, on n’en peut plus. »

Il n’y a pas eu de drames d’audience, au contraire. Mais on nous dit aussi que c’est peut-être à cause du mauvais temps: c’est bien connu que le poste réchauffe des grands froids. Les télés publiques ont gagné un quart d’heure pour faire débuter la soirée. L’absence de pub a quand même réussi un tour de force, elle a fait avancer le temps. On a gagné quinze minutes avant de découvrir les programmes, prenons cela comme une définition admirable du progrès. Et passons à autre chose. A l’idée d’une pareille mesure en Belgique, par exemple.

(1) Pour l’instant supprimée de la tranche 20 heures-6 heures, elle disparaîtra définitivement des grilles en 2011.

De Philippe Cornet

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