Lay up

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Protégée de Kevin Morby, Shannon Lay s’exfiltre du groupe Feels et sort un deuxième album au folk désarmant.

Shannon Lay

« Living Water »

Distribué par Woodsist/Konkurrent.

8

« La première fois que j’ai vu Shannon, mon coeur était brisé en un million de morceaux… » Après Ty Segall chez Drag City sous l’étiquette God?, c’est au tour de Kevin Morby de jouer les curateurs de label. Du côté de New York City et de l’honorable maison Woodsist cette fois-ci. Digne successeur des Bob Dylan, Neil Young et Tom Petty, Morby, homme à la discographie jusqu’ici irréprochable, a jeté son dévolu sur la folkeuse californienne Shannon Lay pour étrenner sa succursale Mare Records.

Shannon fait partie du groupe de rock angelenos Feels (ex-Raw Geronimo), signé sur Castle Face, la maison de disques de John Dwyer (Thee Oh Sees). Mais pas question ici d’énerver les voisins et de faire cracher les guitares. Plutôt de bercer les dimanches pluvieux et d’accompagner les soirées au coin du feu. Enregistré par Emmett Kelly (Cairo Gang, Bonnie Prince Billy, Ty Segall…) dans son home studio de Los Angeles, Living Water est le deuxième album solo de Shannon. Et le deuxième sorti cette année après All This Life Goin Down dévoilé par Do Not Disturb en février.

Composé de quatorze jolies comptines boisées, Living Water est le genre de disque qui chuchote calmement au creux de l’oreille et semble inviter son auteure à venir jouer de la gratte dans votre salon. Parce qu’il se dégage ici dans toute sa magique simplicité un désarmant sentiment de proximité et d’intimité. Une espèce de connivence même avec ce timbre doux et fragile.

Just another diamond…

« Je la connaissais de Feels mais je ne savais pas à quoi m’attendre, avoue encore Morby quant à cette première fois… On était une quinzaine dans un petit bar de Los Angeles. Elle, assise sur une chaise avec une guitare électrique sur les genoux, des cheveux orange lui couvrant le visage, avec une photo de Bart Simpson projetée derrière elle. Mon coeur s’est arrêté de battre dès que sa voix s’est élevée dans l’air. Et j’ai fait comme d’habitude dans ces cas-là: j’ai sorti mon téléphone, ouvert les mémos vocaux et enregistré tout son set. »

Voix sans âge, beauté d’une autre époque, la prolifique Shannon laisse songeur et ému. Il est difficile de ne pas penser à la Britannique Vashti Bunyan et à Just Another Diamond Day, son disque de 1970 passé inaperçu à l’époque mais exhumé au début des années 2000 par la scène freak folk naissante. À un Nick Drake ou à un Jackson C. Frank aussi. Les doigts caressent les cordes. Un violoncelle s’invite çà et là. Délicats, dépouillés, déchirants, Home, Orange Tree, Caterpillar et le premier single The Moons Detriment connaissent la recette de la chair de poule et des émotions à vif. Assurément l’une des belles et ensorcelantes découvertes folk de l’année.

Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content