Pour son 3e CD, Arsenal a rêvé sa pop mondiale en Norvège et tracé la route aux USA. Ou comment faire de la musique en circuit ouvert.

Parfois, cela n’est pas plus mal de laisser aller les choses. Elles vous le rendront bien un moment ou l’autre. On a bien essayé par exemple de cerner Arsenal, de trouver une théorie autour de la formation polymorphe – on adore ça les théories. Résultat: on cherche toujours. Certes, il y a des faits: trois albums (dont le récent Lotuk), avec dès le départ au moins un hit, A Volta (repris notamment dans le dernier épisode de la série Six Feet Under). Des passages remarqués sur la scène de Werchter aussi, et pas mal de disques vendus (30 000 du précédent Outsides). En Flandre surtout, même si le duo de base se dit Bruxellois. Mais voilà, quand on a dit ça, on n’a pas encore cerné le terrain de jeu d’Arsenal: pop, c’est sûr, world, évidemment, dance aussi. Mais encore?

Comme le dit Hendrik Willemyns, moitié du duo de base: « Tout vient un peu par hasard, non? ». Il a raison. Sinon, comment comprendre l’histoire d’Arsenal? Au départ, John Roan organise un concert techno, Hendrik Willemyns vient y jouer avec son projet électro du moment. Les deux se rencontrent dans les coulisses et discutent de leur passion pour la musique… métal. « On adorait les mêmes choses, c’était sidérant. Jusque sur des détails. On flashait par exemple sur la même intro de tel morceau du groupe Carcass! » Allez comprendre après ça que tout ceci les ait menés à la pop « mondialisante » d’Arsenal. « En fait, on écoutait de tout sauf de la world music! On n’aime pas ça. C’est peut-être pour cette raison que cela fonctionne: parce qu’on travaille avec des personnes dont on ne connaît pas l’héritage musical. C’est très belge d’ailleurs, cet art du mélange. » Le raisonnement tient la route, mais quand même, des précisions s’imposent:  » Au départ, on voulait juste faire un disque de house. Un vrai album qui ne soit pas juste deux titres et du remplissage autour, comme c’est souvent le cas dans la house, qui fonctionne plutôt avec des maxis. L’histoire, c’est que ma voisine du dessus faisait de la capoeira. Un jour, son prof est passé la voir. En discutant, comme il expliquait qu’il chantait aussi, on lui a proposé de venir enregistrer avec nous. Il est venu, il a fait ses morceaux, et on s’est dit que cela pouvait être intéressant d’essayer la voix sur une autre musique. Et cela a donnéA Volta …  »

GUEST LIST

Trois albums plus tard, c’est toujours comme cela que le duo fonctionne, façon auberge espagnole. Si le prof de capoeira, Mario Vitalino Dos Santos, est toujours là, le livre d’or d’Arsenal n’a jamais cessé de se remplir (on y trouve Gabriel Rios, Baloji…). Pour Lotuk, la liste des invités s’est donc encore allongée, surtout du côté des Etats-Unis (lire par ailleurs). Merci Internet, e-mail, et autre MySpace… Avec toujours le même principe: collecter des voix pour après les plaquer aux morceaux définitifs. « Quelqu’un comme John Garcia par exemple vient du rock. Si on lui envoie un truc électro, cela ne va pas coller. On lui a donc fait parvenir des morceaux très guitares, en le prévenant qu’on allait en faire autre chose. » Au passage, John Roan et Hendrik Willemyns en ont profité pour tourner un DVD aux Etats-Unis, où ils ont retrouvé leurs principaux « guests ». Il est disponible sur l’édition limitée de Lotuk. Et pour une fois, l’objet n’est pas qu’un prétexte marketing creux, mais bien un complément indispensable. En une cinquantaine de minutes, Arsenal voyage de Seattle (Shawn Smith) au désert de Californie (John Garcia) en passant par Nashville (Cortney Tidwell) ou Minneapolis (Grant Hart). Quatre tranches de vie, souvent filmées en bagnole, comme si la parole se libérait mieux dans le mouvement. Le DVD montre aussi la vraie raison d’être d’Arsenal: la musique doit rester une aventure, constituée d’expériences et de rencontres, ou d’histoires tout simplement, et pas seulement un processus de studio mené en milieu stérile. « C’est pour cela aussi qu’on est parti travailler en Norvège pendant deux semaines, dans une super maison avec vue sur un fjord. On a même poussé jusqu’en Finlande, jusqu’au cercle polaire, pour assister à une aurore boréale. C’était magique. Officiellement, le but était de se retirer pour faire le point. Mais plus simplement, on a vécu une « aventure » qui va nourrir le disque. C’est un facteur important. Même chose avec toutes les voix: si on travaille avec beaucoup de personnes différentes, c’est non seulement pour ne pas se répéter, mais aussi pour qu’elles nous emmènent ailleurs, et nous fassent grandir. « 

Arsenal, Lotuk, Playout/Pias. En concert notamment, le 28/06, au festival Couleur Café. www.myspace.com/arsenalbe

TEXTE LAURENT HOEBRECHTS

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