L’armée des ombres – S’intéressant au groupe Manouchian, Robert Guédiguian rouvre une page d’histoire héroïque et douloureuse. Il signe un film engagé et romanesque.

De Robert Guédiguian. Avec Simon Abkarian, Virginie Ledoyen, Grégoire Leprince-Ringuet. 2 h 19. Sortie: 23/09.

Entre Robert Guédiguian et Missak Manouchian, le lien tenait de l’évidence. A tel point, d’ailleurs, que le réalisateur marseillais hésitera longuement à mettre en scène le destin de l’ouvrier poète arménien, héros de la Résistance communiste. « Trop proche », estimera-t-il, avant de se laisser convaincre par Serge Le Péron de tenter l’aventure de L’armée du crime.

Comme il l’avait fait pour Le promeneur du Champ de Mars, le cinéaste délaisse les contours familiers de l’Estaque pour s’atteler cette fois à une vaste reconstitution, avec le Paris occupé par les Allemands pour toile de fond. La page d’histoire qu’il rouvre ici est à la fois glorieuse et tragique: soit le destin d’un groupe de jeunes résistants juifs communistes d’origines et de nationalités diverses, qui s’uniront pour tenter de libérer la France au nom d’un idéal humaniste, fût-ce au péril de leur vie. Un épisode que Guédiguian retrace par le menu, des premiers coups de main un brin naïfs (ainsi de l’attentat qui voit le jeune Thomas Elek plastiquer une libraire collaborationniste à l’aide d’un exemplaire piégé du Capital) à l’action organisée, où le groupe Manouchian multiplie les actes de sabotage. En conséquence de quoi la répression, conduite par une police acquise à l’occupant, sera sanglante…

Du côté de Renoir

Captivant, le film de Guédiguian est orchestré en un poignant crescendo, le cinéaste veillant par ailleurs à renforcer le volet historique d’un autre, romanesque celui-ci. Pivot du film, Missak Manouchian (Simon Abkarian, remarquable) n’est ainsi pas présenté exclusivement sous l’angle militant (taraudé par le doute qui plus est, comme lorsqu’il s’agit de basculer dans la violence), mais aussi par le prisme humain, cristallisé autour de l’exceptionnelle relation l’unissant à sa femme, Mélinée (Virginie Ledoyen, rayonnante).

Ce faisant, le film trouve, au-delà de la force même de l’histoire et de sa valeur éminemment exemplaire, le chemin de la pure émotion. Loin de toute forme de cynisme, voilà une £u-vre qui assume son héritage d’un grand cinéma classique, celui d’un Renoir par exemple, que cette Armée du crime baignée de lyrisme et de générosité évoque irrésistiblement. Que Guédiguian se laisse par moments emporter par son élan, penchant encore accentué par la partition d’Alexandre Desplat, n’a dès lors qu’une importance relative: cette page d’histoire valait certes que l’on en souligne la grandeur à travers une vaste fresque populaire, non sans du reste avoir une résonance toute contemporaine. Au-delà des questions importantes qu’il soulève, et de l’éclairage qu’il apporte sur une période trouble de l’histoire de France, le film s’avère ainsi rien moins que stimulant – du genre à réaffirmer la foi en l’humain, ce qui, on en conviendra, est déjà énorme.

www.larmeeducrime-lefilm.com

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Jean-François Pluijgers

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