Anima 2008 s’ouvre en mode majeur avec Peur(s) du noir. Un démarrage original pour un festival en plein épanouissement.

Grâce au festival Anima, février est devenu chez nous le mois de l’animation. Cette année encore, cette manifestation bruxelloise (décentralisée à Liège, Mons, Charleroi et Gand) et internationale accueillera la crème de la production belge et mondiale. Treize longs métrages et 200 courts inédits, des rétrospectives (les frères Fleischer, la Pologne, entre autres), des compétitions, des expositions, font le menu du festival. Pour l’occasion, nous vous proposons un dossier où il est notamment question de la provocante Betty Boop, et d’un film d’ouverture idéalement choisi…

FASCINANTES PEUR(S) DU NOIR

Un film. Dix artistes. Un fil rouge. Des images en noir et blanc, accueillant quelques touches de couleur. Et du mystère. Du mystère et du rêve. Peur(s) du noir est une des propositions les plus fascinantes du cinéma d’animation récent. Il offre à quelques-uns des créateurs (dessinateurs ou scénaristes) les plus importants de l’illustration et de la BD l’occasion de donner vie à leurs dessins et idées tout en exprimant leurs angoisses profondes. Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre Di Sciullo, Lorenzo Mattotti, Richard McGuire, Romain Slocombe, Jerry Kramsky et Michel Pirus ont relevé le défi lancé par les producteurs Valérie Schermann et Christophe Jankovic. Etienne Robial a pour sa part joué le rôle de directeur artistique. Il a unifié par l’étalonnage les différents segments, organisé l’ordre de ces derniers dans le montage final et donné ainsi sa forme définitive au film. Cet artiste graphique de belle réputation, créateur des éditions Futuropolis et auteur de quelques logos parmi les plus fameux et durables (tel celui de Canal+), commente pour nous ce projet Peur(s) du noir décidément original.

Qu’ont donc en commun les artistes réunis pour le film?

D’être tous très bons, d’abord ( rire)! D’illustrer chacun à leur manière une grande ambition de créer librement. Et de s’être sentis stimulés par l’idée d’évoquer en images ce sujet très personnel qu’est la peur du noir, avec la contrainte particulière de s’exprimer en noir et blanc.

Ont-ils eu carte blanche?

Oui, bien sûr. Et vous voyez dans le film que le propos parfois extrême de certains n’a pas été édulcoré. Mon rôle a été de mettre tout ce petit monde en harmonie. Il m’a fallu « saucissonner » certaines contributions afin de pouvoir faire « respirer » le montage. Notamment, et surtout, celui de Blutch, avec les chiens, qui est assez violent… Mais il n’y a eu aucune bataille d’ego, même si celui de la plupart de ces auteurs est, disons, assez développé ( rire). J’ai usé, sur ce terrain parfois instable, de mon expérience d’éditeur de bande dessinée ayant travaillé avec beaucoup d’auteurs et non des moindres. L’intérêt général devait primer. Comme je les connaissais tous assez bien au départ, ils me faisaient confiance. Ils savaient que je ne jouerais pas au censeur et que je ne dénaturerais pas leur travail. Mais il fallait que je sois libre d’harmoniser, de rythmer tout ça. Il était hors de question que les gens puissent s’emmerder pendant une heure et demie devant Peur(s) du noir

Quel était le principal défi de ce projet?

Sur le plan purement créatif, c’était de faire tenir dans le même cadre six types de travail et de technique différents. S’y côtoient de la 3D, du crayonné traditionnel à la main, du Flash, entre autres. J’espère que nous sommes arrivés à en faire UN film et non un bout à bout. Bien sûr, on ne pourra empêcher chaque spectateur de déterminer les parties du tout qu’il préfère. Mais ce qui est bien, au vu des premières réactions, c’est que les favoris sont très différents selon les personnes qui ont vu le film! L’autre défi était évidemment d’ordre économique. Pareille entreprise représente un risque certain… Il fallait entraîner du beau monde dans la production. Ce fut fait, y compris des Belges, d’ailleurs. Nous avons beaucoup travaillé à Bruxelles, où il y a d’excellents studios! L’étalonnage a été intégralement effectué chez vous, le son (capital) y a été travaillé aussi…

Venant après le succès de Persepolis de Marjane Satrapi, Peur(s) du noir esquisse-t-il la confirmation d’une nouvelle noce féconde entre bande dessinée et cinéma d’animation?

Je l’espère bien! C’est d’ailleurs pour cela que nous « lançons » le film au Festival d’Angoulême juste avant de le montrer en ouverture d’Anima. Le passage d’une narration en images fixes à la logique animée convient certes mieux à certains qu’à d’autres. Marjane a démontré avec Persepolis qu’il pouvait s’agir d’une authentique recréation, et non d’un bête transfert sur support différent. Beaucoup d’auteurs de BD majeurs se sentent aujourd’hui, par ailleurs, limités par le cadre de l’album papier, et aspirent à autre chose. Peur(s) du noir leur indique, j’espère, que c’est désormais possible. Il reste que même avec un petit budget comme celui de notre film, on pourrait financer des centaines d’albums de bande dessinée (rire)!

Y a-t-il des univers d’artistes de BD que vous aimeriez voir animés comme ceux des auteurs réunis dans Peur(s) du noir?

Nous avons toujours le projet, avec Tardi, de faire un film de son adaptation du Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline. Ce n’est plus qu’une question d’argent, pas de technique. Car ses crayonnés peuvent être animés désormais. Par ailleurs, et en rêvant, j’aimerais bien voir un film de vos compatriotes Joost Swarte et Ever Meulen. Leur côté non-sensique devrait faire merveille à l’écran! Je pense aussi à un autre Belge, Louis Joos, qui fait des trucs de jazz très crayonneux. Envoyer une caméra se balader dans ses dessins serait une bonne idée!

Centre Flagey à Bruxelles du 1er au 9 février 2008. www.anima2008.be www.animaTV.be

ENTRETIEN LOUIS DANVERS

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