L’Alcazar

Simon Lamouret inaugurait avec Bangalore, sorti en 2017 chez Warum, un nouveau genre dans la bande dessinée documentaire: la chronique urbaine où la ville remplace l’humain, relégué au second rôle. Avec L’Alcazar, il réduit l’échelle au bâtiment. À l’image des livres de notre jeunesse sur la naissance d’une cathédrale, d’un château fort ou d’une cité romaine, Simon Lamouret nous fait plus modestement la chronique de la construction d’un immeuble d’habitation dans un quartier huppé de Bangalore. Ce qui l’intéresse cette fois est moins la vulgarisation des techniques architecturales que les relations qu’entretiennent les différents acteurs de cette construction. Ainsi, Mehboob, manoeuvre de son état, son beau-frère Rafik et sa femme Salma sont engagés par Trinna, maçon en chef, autrement dit entrepreneur dans le bâtiment. Ils vont tous trois faire les petites mains sur le chantier, porter les sacs de ciment, monter les échafaudages, protéger le chantier, y habiter… C’est bien connu, la vie d’un chantier n’est pas de tout repos et l’Inde n’échappe certainement pas à la règle. Mehboob passe son temps à courir après Trinna pour se faire payer. Trinna court après le patron (le promoteur) pour les mêmes raisons. Le patron essaie de vendre ses appartements à une classe moyenne supérieure et exigeante. Ali l’ingénieur suit tout le monde en prenant note des modifications. Il en fera part à Trinna, qui lui-même aboiera les nouveaux ordres à Mehboob: la boucle est bouclée. S’y ajoutent les problèmes de langue et de culture… On se croirait presque en Belgique. Le bâtiment reste, les corps de métier défilent; leur disparition provoque une légère frustration car on s’y est attaché, à Mehboob, Rafik et Salma. Le prisme d’un chantier pourrait paraître anecdotique pour aborder les passions humaines. Elles se révèlent pourtant ici dans toute leur crudité.

L'Alcazar

De Simon Lamouret, éditions Sarbacane, 208 pages.

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