L’Âge du capitalisme de surveillance

D’accord. Shoshana Zuboff a tué le game. Dans la littérature de plus en plus abondante cherchant à nous mettre en garde sur les dangers du virage numérique qu’a pris le monde, L’Âge du capitalisme de surveillance servira longtemps d’étalon. Malgré ses dimensions éléphantesques, ce n’est toutefois pas la taille qui fait de ce livre une référence, mais l’ampleur folle de la thèse qu’y défend la grande professeure de Harvard. Pour Shoshana Zuboff, l’émergence des autorités nouvelles désormais symbolisées par les noms de Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft, marque en effet un tournant dans l’Histoire même des civilisations. Là où nous imaginons que les géants de la tech se contentent d’incarner un visage du capitalisme parmi d’autres, reposant sur des développements technologiques reléguant les machines-outils de l’ère industrielle au rang de moulins à vent, Shoshana Zuboff y voit une forme inédite de pouvoir. C’est cette forme, rompant de façon radicale avec le consensus social établi par les grands tycoons du capitalisme industriel, de Thomas Edison à Henry Ford, qu’elle nomme  » capitalisme de surveillance« . Par-là, elle entend le processus de valorisation systématique de l’expérience humaine, en dehors de toute règle ou de tout droit, par lequel les entreprises en question sont en train de réaliser un véritable « coup » anti-démocratique. Pour étayer sa thèse, qu’on pourrait taxer trop vite de paranoïaque, Shoshana Zuboff, qui travaille sur le numérique depuis le début des années 80, entreprend de raconter l’histoire de cette prise de pouvoir -et l’instauration progressive du « capitalisme de surveillance ». C’est une histoire épique, où tous les grands et moins grands événements du dernier demi-siècle se trouvent remis en perspective. Un véritable thriller: celui de la chute de la possibilité de l’expérience humaine. Mais c’est aussi un appel vibrant -l’appel à une résistance qui prenne enfin un visage concret. Capital.

L'Âge du capitalisme de surveillance

De Shoshana Zuboff, éditions Zulma, traduit de l’anglais (États-Unis) par Bee Formentelli et Anne-Sylvie Homassel, 864 pages.

9

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content