La saveur de vivre

© Makiko Doi/Poplar

Ito Ogawa, l’autrice du Restaurant de l’amour retrouvé, signe un roman sensible où l’attente de la mort se mue en ode à la vie.

On le sait depuis Le Restaurant de l’amour retrouvé, le best-seller qui la révélait il y a quelques années, la gastronomie occupe une place particulière chez Ito Ogawa, trouvant sous sa plume une dimension spirituelle pour ainsi dire. Ainsi dans Le Goûter du Lion, son nouveau roman, où l’écrivaine japonaise s’empare du sujet délicat de la fin de vie. Un thème qu’elle embrasse avec sa douceur coutumière, alors qu’elle emboîte le pas à Shizuku Umino, narratrice d’une trentaine d’années qui, souffrant d’un cancer en phase terminale, a décidé d’aller passer ses derniers jours sur l’île aux citrons, dans la mer de Seto, parmi les pensionnaires de la maison du Lion. Un cadre unique, tant par la beauté de son environnement naturel, “qui frisait la perfection”, que par l’atmosphère y régnant, éloignée de l’image généralement associée à ce genre d’établissement, et dont la jeune femme observe d’emblée, rassérénée: “On s’y sentait comme couvé du regard par un inconnu au visage souriant. Je ne suis jamais entrée à l’intérieur d’un cocon, mais j’ai pensé qu’on devait y trouver la même lumière, douce et enveloppante.”

Jusqu’au dernier souffle

C’est là, confiée à l’attention de Madonna, une hôte à l’excentricité bienveillante, que Shizuku va vivre ses ultimes semaines et apprendre à apprécier jusqu’au dernier souffle de vie. Non sans se fondre dans l’enchaînement des jours et des nuits, faisant la connaissance du personnel et des différents pensionnaires; trouvant dans la chienne Rokka une compagne inséparable; rencontrant Tahichi, le viticulteur de l’île, celui dont elle aurait fort bien pu tomber amoureuse dans d’autres circonstances; ou s’essayant à la musicothérapie ou à la thérapie par le portrait, comme autant d’ouvertures vers la sérénité. Une existence rythmée par le goûter du Lion, rituel du dimanche consistant à reproduire un dessert choisi par l’un des “invités”, manière d’aiguillonner les souvenirs rattachés à une saveur particulière, comme une passerelle suspendue vers l’enfance et l’existence passée des uns et des autres.

© National

Du côté où nous nous trouvons, c’est une sortie. Mais de l’autre côté, c’est une entrée. C’est pourquoi je dis que la vie et la mort, en un sens, c’est un peu la même chose. Nous ne faisons que tourner en rond, en changeant simplement d’apparence. C’est un cycle qui ne connaît ni début ni fin”, avait expliqué Madonna à Shizuku à son arrivée. Forte de cette pensée, Ito Ogawa fait de ces moments arrachés à l’éternité les instants privilégiés d’une méditation profonde, entrelaçant étroitement désir de vivre et acceptation de la mort. Une perspective venue donner à ce roman sensible des contours d’une paradoxale et stimulante douceur, quelque chose comme la célébration subtile et apaisée de la saveur de vivre.

Le Goûter du Lion

D’Ito Ogawa, éditions Picquier, traduit du japonais par Déborah Pierret-Watanabe, 272 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content