La sagesse des crocodiles

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

CROISÉ AUX CÔTÉS DE MULATU ASTATKE, DE FLOATING POINTS ET D’ANTHONY JOSEPH, SHABAKA HUTCHINGS RAJEUNIT LE JAZZ EN RENDANT HOMMAGE AUX ANCIENS.

Shabaka and the Ancestors

« Wisdom of Elders »

DISTRIBUÉ PAR BROWNSWOOD RECORDINGS.

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L’an prochain, un siècle tout juste après la sortie de ce que beaucoup considèrent comme le premier disque de jazz de l’Histoire (Livery Stable Blues de l’Original Dixieland Jass Band), l’Ancienne Belgique célébrera toute sa saison durant un genre musical revenu depuis quelques années sous le feu des projecteurs. Pas étonnant que Shabaka and the Ancestors ait déjà été annoncé à l’affiche du BRDCST, le festival printanier indoor de l’AB. D’autant que, pour sa deuxième édition, l’événement sera placé sous le thème de l’afrofuturisme.

« Is Jazz entering a new golden age? », questionnait cet été le quotidien britannique The Guardian. Affirmatif! Et le captivant saxophoniste, chef d’orchestre et compositeur britannique Shabaka Hutchings n’est pas totalement innocent dans cette affaire.

Co-fondateur des Sons of Kemet, quatuor éthio-jazz à l’excitante primitivité embrassant différentes cultures de la diaspora africaine, membre de The Comet is Coming (qui lui a valu d’être nominé au Mercury Prize) et du septuor électro-world-jazzy-psychédélique Melt Yourself Down, Shabaka s’était déjà illustré dans une foultitude de projets allant du jazz au funk en passant par l’électronique et l’afrobeat. Que ce soit aux côtés de la légende éthiopienne Mulatu Astatke, du producteur mancunien Floating Points, du contrebassiste américain disparu Charlie Haden ou du griot trinidadien Anthony Joseph.

It began in Africa…

Un peu comme Kamasi Washington, après s’être fait les dents sur les disques des autres (et dans des aventures plus collaboratives), Hutchings s’est donc décidé du haut de ses 32 ans à prendre son destin en main. Depuis quelques années, le musicien né à Londres et élevé à La Barbade fréquentait régulièrement l’Afrique du Sud, se documentant sur la scène locale entre Johannesburg, où il multipliait les concerts, et Le Cap, la ville de son ex-petite amie. Il se mit en tête fin 2015 d’y enregistrer un disque. Un disque composé en moins d’un mois dans la capitale parlementaire du pays et mis en boîte en une journée dans sa ville la plus peuplée.

John Coltrane, Pharoah Sanders, Steve Williamson, Zim Ngqawana, Soweto Kinch, Louis Moholo, Marshall Allen (Sun Ra Arkestra)… Sorti il y a quelques semaines déjà, Wisdom of Elders, « La Sagesse des anciens », est marqué par nombre de figures tutélaires et a été fabriqué avec des musiciens locaux. Notamment le trompettiste Mandla Mlangeni, le batteur Tumi Mogorosi et le pianiste Nduduzo Makhathini que Shabaka a aidé à enregistrer son album dans la foulée.

« Il s’agit d’un hommage à toutes les leçons que j’ai reçues de tous les musiciens que j’ai croisés. En direct ou sur disque, résume Hutchings dans Libération. Une énergie, un feeling, une manière de se projeter… Une intensité qui n’a rien à voir avec les notes. Il s’agit d’un message, même si je prends le terme avec des pincettes.« La musique de Shabaka, elle, est à embrasser à bras-le-corps.

JULIEN BROQUET

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