Avec Do The Right Thing, le réalisateur rompait avec les stéréotypes raciaux véhiculés par le cinéma américain.

C’était en 1989. Présenté à Cannes, Do the Right Thing de Spike Lee faisait l’effet d’une petite révolution. Saisissant brûlot, le film rompait avec quantité de stéréo-types raciaux dont le cinéma hollywoodien avait fait son ordinaire. Spike Lee n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, signant par la suite une biographie de Malcolm X, mais encore, avec Bamboozled, une brillante satire des médias qui renouait, sur un mode parodique, avec les Minstrel Shows d’antan.

De cinéma noir américain, il sera pourtant question dès les années 10, avec un premier mouvement de cinéma ethnique qui voit, par exemple, un Emmet J. Scott répondre avec Birth of a Race au notoirement raciste Birth of a Nation de D.W. Griffith. Le cinéma black indépendant prospère pendant les années 20, avant d’être récupéré par les studios qui y décèlent un potentiel commercial non négli-geable, et produisent donc des bandes dont les interprètes seront des Noirs – ainsi du Hallelujah! de King Vidor (1929).

Reste que la vision de la communauté afro-américaine généralement propagée par Hollywood laisse peu de place à la nuance: entre la mamma plantureuse et l’oncle Tom idéal, l’image est globalement à la caricature. Il faut attendre le tournant des années 50 pour voir des films aborder avec plus de subtilité la question de la tolérance raciale, qu’il s’agisse de Pinky d’Elia Kazan, ou des Defiant Ones de Stanley Kramer, sans oublier Imitation of Life de Douglas Sirk.

Woody Strode n’en continue pas moins à jouer les utilités dans quantité de productions hollywoodiennes, même si Dorothy Dandridge – la Carmen Jones de Preminger – devient une authentique star black, le pendant féminin de Sidney Poitier.

Changement sensible de perspective avec les années 60 et 70 qui voient des cinéastes blancs, tels John Cassavetes dans Shadows, évoquer avec lucidité les relations interraciales, paral- lèlement à l’émergence d’un cinéma indépendant noir en passe de radicalisation – celui des Melvin Van Peebles ( Sweet Sweetback’s Baadasssss Song) et autre Charles Burnett ( Killer of Sheep). Courant phare des 70’s, la blaxploitation produit sans modération des films commerciaux à destination du public afro-américain. Si les héros en sont des blacks, les impératifs sous-tendant ces productions sont moins identitaires que bassement lucratifs – la plupart des films ressortant à la blaxploitation sont d’ailleurs financés par une industrie blanche.

C’est dire que Do the Right Thing fait, lors de sa sortie, l’effet d’une bombe. Depuis, l’affirmation de l’identité noire au cinéma s’est trouvée d’autres porte-drapeaux – on pense notamment à John Singleton -, alors que les stars black trônent au sommet du box-office, de Will Smith à Samuel L. Jackson, en passant par Forest Whitaker ou Jamie Foxx. Cela étant, les oscars glanés par Denzel Washington et Halle Berry en 2002 pour leurs prestations respectives dans Training Day et Monster’s Ball faisaient alors encore figure d’événement. Démonstration par l’absurde qu’en la matière, l’industrie hollywoodienne n’aura guère été à la pointe du combat…

Texte Jean-François Pluijgers

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