Une fois n’est pas coutume, parlons de la météo. Précision: dans la fiction. On a tous en mémoire des scènes détrempées de films. Elles sont rarement tirées de comédies. Songeons aux plus évidentes même loin d’être les plus mémorables: celles de Hard rain, le thriller avec Morgan Freeman en bandit des grands chemins inondés. Un hasard? Pour y voir plus clair, un détour par la théorie du climat chère à Montesquieu s’impose. Selon le philosophe français du XVIIIe, le climat déteint sur la personnalité. Il a même dressé une carte météorologique des traits de caractère dominants: aux pays du nord le courage et la maîtrise de soi, à ceux du sud la passion et les vices… Un schéma par trop simpliste qui a vite pris l’eau mais dont le principe général – à chaque climat son chapelet de sentiments – trouve une certaine validité dans un univers codé comme la fiction où rien n’est laissé au hasard. Ainsi, quand il pleut des cordes sur l’écran, c’est rarement pour nous vanter l’ambiance paisible des environs. A moins de se trouver dans un paysage bucolique où l’eau devient alors une métaphore romantique du chagrin. Mais c’est là aussi une convention. Sinon, et plus particulièrement en milieu urbain (si l’on veut bien laisser de côté les entrechats ruisselants de Gene Kelly dans Singin’ in the rain…), les trombes d’eau sont plus souvent réquisitionnées pour drainer l’anxiété, distiller la peur, annoncer le crime. De Seven (David Fincher) à Shutter Island (Scorsese ou Christian De Metter pour l’adaptation BD) en passant par The Chaser (Hong-jin Na), plus l’averse rince le bitume, plus les prédateurs sont à leur affaire. Même topo pour le jeu vidéo qui illustre notre couverture dégoulinante. Le titre est à lui seul un manifeste. Heavy rain reprend les ficelles du thriller pluvieux, l’interactivité en plus. Passé une intro baignée de soleil, le ciel ouvre les vannes sur la ville, douchant et la culpabilité d’un père meurtri et les crimes d’un tueur en série. Et quand elle n’est pas synonyme de grosse goutte de frayeur, les intempéries sont là pour souligner un état dépressif. Comme dans Flood, le roman graphique clair-obscur d’Eric Drooker dont l’une des histoires, voyage en apesanteur dans la tête d’un homme en perdition, commence sous un crachin et s’achève par le déluge biblique. Tous aux abris!

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Par Laurent Raphaël

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