UN FORT ET BEAU COFFRET RASSEMBLE HUIT FILMS DE STEVEN SPIELBERG. L’OCCASION DE REDÉCOUVRIR L’AUTEUR DERRIÈRE L' »ENTERTAINER« .
Certes il est loin d’être exhaustif, et les oeuvres de la maturité comme Schindler’s List ou Minority Report en sont absents. Mais le coffret regroupant huit films de Spielberg en standard Blu-ray n’en fait pas moins l’événement. Universal y propose sous un emballage luxueux les oeuvres réalisées pour le fameux studio hollywoodien par un cinéaste ayant par ailleurs aussi travaillé pour la 20th Century Fox, Warner et Paramount. Pas d’Indiana Jones au programme, donc, mais des titres illustrant les -passionnants- débuts du petit Steven, auxquels s’ajoutent quelques succès majeurs d’un Spielberg devenu assez rapidement l’incarnation du créateur ambitieux, alliant grand spectacle et intelligence, impact populaire et démarche personnelle.
Jeunesse et avènement
Inédits au format Blu-ray, Duel (1971) et Sugarland Express (1974) montrent toute la créativité d’un très jeune réalisateur abordant le métier avec un enthousiasme communicatif, et une maîtrise d’emblée impressionnante de ses moyens techniques et narratifs. Duel met aux prises un automobiliste apparemment sans histoire et un camionneur agressif, qui se sert de son poids lourd comme d’une arme pour le persécuter sur une route désertique, isolée. A seulement 25 ans, et dans ce qui est au départ un téléfilm, Spielberg manifeste un sens inné de la « capture » de spectateur, nous rivant à l’action d’un suspense angoissant, d’autant plus terrifiant qu’il ose une forme d’abstraction, le camion (dont on ne voit jamais le conducteur) devenant comme un monstre de l’enfer, une pure incarnation du mal. Pour suivre ce coup de force précoce, Spielberg entreprit un Sugarland Express qu’on est heureux de voir resurgir ici. Goldie Hawn y incarne une jeune femme voulant à tout prix rassembler les siens (son mari est en prison, leur fils en famille d’accueil). Elle fera évader le premier, puis tentera de rejoindre le second. Mais la prise en otage d’un policier va lancer à leurs trousses un invraisemblable déploiement de forces de l’ordre et de journalistes… Librement inspiré d’un fait divers réel, le film est épatant. Il remportera le Prix du Scénario au Festival de Cannes, mais Universal le soumettra à des coupes, jugeant le traitement du sujet moralement trop délicat. Un film et un an plus tard, le statut de Spielberg l’aura mis à l’abri de pareil outrage. Il faut dire que ce film est Jaws!
Les dents du requin blanc terrorisant une station balnéaire (fictive) de la côte Est, dans un récit alliant idéalement l’horreur, l’humour et l’aventure, ont en effet ouvert au jeune cinéaste un raccourci saisissant vers le succès, la fortune et une position privilégiée à Hollywood. Jaws atteignant le sommet du box-office mondial tout en étant le premier film de l’Histoire à passer -largement- la barre des 100 millions de dollars aux Etats-Unis. Auteur du premier « blockbuster », précurseur d’un phénomène commercial qu’il alimentera lui-même par la suite avec E.T. The Extra-Terrestrial, Raiders Of The Lost Ark et autre Jurassic Park, Spielberg peut désormais tout se permettre ou presque. Y compris une folie comme 1941, un de ses rares échecs populaires mais une merveille et un régal que le coffret présente en version longue pour notre plus grand bonheur! Nous y sommes plongés, sur un mode burlesque, dans un Los Angeles en pleine panique après l’attaque japonaise sur Pearl Harbour le 7 décembre 1941. Les Blues Brothers Dan Aykroyd et John Belushi emmènent la distribution d’une comédie paranoïaque riche en séquences à la fois très spectaculaires et irrésistiblement hilarantes. Si Universal aura fait la moue devant les résultats décevants du film, le studio se frottera les mains quand Spielberg lui livrera E.T. , grand film de science-fiction fédérant le public de 7 à 77 ans et même plus autour de l’aventure d’un jeune garçon se liant d’amitié avec un alien perdu sur Terre. Un film qui soulève, même après plusieurs visions, toujours autant d’émotion, de frisson et d’émerveillement.
Ecrire avec la lumière
Le coffret contient encore Jurassic Park (1993) et sa suite The Lost World: Jurassic Park (1997), ainsi qu’un Always (1989) inédit au format Blu-ray. On sait tout ou presque des deux premiers, mais beaucoup moins sur le dernier cité, un mélodrame fantastique (avec Audrey Hepburn dans le rôle d’un ange!) célébrant l’amour et l’amitié par-delà la mort. Une curiosité, un échec commercial et un film inégal, mais où s’expriment plusieurs éléments marquants de l’art de Spielberg. Comme ce goût de confronter des individus moyens, sans rien d’héroïque au départ, à des forces extérieures et parfois surnaturelles qui les font se révéler pleinement. Comme aussi l’exaltation du pouvoir du désir, de l’imaginaire, face à une réalité multipliant les épreuves. Tout cela développé sous une lumière dont Spielberg fait littéralement son alliée, jouant en maître du clair et de l’obscur, de l’ombre menaçante et d’un rayonnement lumineux tellement humain qu’il semble volontiers émaner des personnages. Le nombre réduit de bonus dans le coffret (sauf pour Duel et 1941), pour regrettable qu’il soit, n’empêchant pas ces constantes de la démarche « spielbergienne » d’émerger comme naturellement de la vision des films.
STEVEN SPIELBERG DIRECTOR’S COLLECTION. COMPRENANT HUIT DISQUES AU FORMAT BLU-RAY AINSI QU’UN LIVRE DE 34 PAGES RICHEMENT ILLUSTRÉ.
TEXTE Louis Danvers
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