La Nuit du coeur

« Des moineaux jaillissaient du feuillage comme des poèmes insoucieux d’être lus. » Pas de doute, on est bien chez Christian Bobin ( Une petite robe de fête, Le Très-Bas). On y est même très bien. Tout commence à Conques dans un hôtel donnant sur l’abbatiale où l’auteur passe une nuit. Éprouvant la solitude d’être à soi, guettant l’invisible dont le monde n’a plus le goût, traquant les pensées scintillantes, le poète signe un plaidoyer pour un certain art du regard, une invitation à ralentir la lecture, en goûter les sucs, « le corps cherche le repos et l’âme l’aventure ». Dans un ouvrage au format singulier (185 x 235 mm), les mots respirent, nichés au coeur de grandes pages blanches qui contribuent à leur flatter l’encolure. Rappelant combien les livres aimés sont des moulins à prières et tiennent lieu de viatique quand l’époque s’étouffe de ses tocs, Bobin sculpte un cérémonial pour tous ceux qui emportent en voyage un aphorisme d’Achille Chavée dans leurs valises ou trois phrases d’Éric Chevillard en guise de couteau suisse. Loin de l’agitation papillonnante, dans une maison de thé japonaise, on goûte cet étrange bonheur que personne ne sache où l’on est: dans un livre de Bobin. « Les images pures, personne ne les invente. L’âme de l’arbre se sépare un instant de l’arbre, vient sur la page, écrit le poème sur l’arbre et signe Ronsard. »

De Christian Bobin, ÉDITIONS Gallimard, 208 pages.

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