Fauché en pleine gloire après l’enregistrement de deux albums mythiques, Ready to Die et Life After Death, Notorious B.I. G. a inspiré à George Tillman un biopic classique mais pas dénué de vibrations… Retour sur Notorious, inédit en salles mais désormais disponible en DVD.

L’époque étant particulièrement friande de biographies filmées, que l’une d’elles soit consacrée à Christopher Wallace, alias Biggie Smalls, alias encore The Notorious B.I.G., tombait pratiquement sous le sens. Né à Bedford Stuyvesant, New York, en 1972, le gaillard saura multiplier les vies comme il alignait les surnoms, passant des rues de Brooklyn au statut de voix de l’Amérique urbaine et légende du hip hop, avant de tomber, en pleine gloire, sous les balles d’un tueur, à 24 ans à peine. A la trajectoire publique fulgurante s’en ajoute une autre, intime celle-là, et peu banale elle aussi – soit la double matrice de Notorious, un biopic réalisé avec la bénédiction de la mère de l’artiste, Voletta Wallace, et de ses producteurs, Wayne Barrow et Mark Pitts. Pour le mettre en scène, George Tillman Jr, réalisateur guère connu du grand public; l’auteur notamment, il y a une dizaine d’années, de Men of Honor, biographie du premier plongeur noir de la Marine américaine. Un cinéaste sans accointances particulières avec la scène hip hop, encore qu’il cite Biggie dans son panthéon musical personnel. A quoi il convient d’ajouter les résonances qu’éveille en lui sa riche histoire: « Biggie, avec ses 2 albums et sa mort en pleine jeunesse, évoque Jimmy Dean, nous confiait-il, détendu, au festival de Berlin, au lendemain de la première de son film.

Quand James Dean est mort après avoir tourné une poignée de films à peine, il a accédé à une autre dimension, celle d’une icône. Et c’est également le cas de Biggie. Mon film, lui, essaye de montrer l’homme derrière l’icône. »

Et se veut, à ce titre, universel, les combats et préoccupations de Christopher Wallace rejoignant, peu ou prou, dans l’esprit du réalisateur, ceux de tout un chacun: « Il s’agit d’un individu, jeune, qui essaye d’être un bon père, mais aussi un bon fils et un bon mari. Le monde est familier avec Notorious B.I.G., mais l’homme avait de nombreuses facettes: rien à voir avec cette image de gangster relayée de toutes parts pour vendre des disques. Une dimension bien connue, comme l’est sa musique. Mais qu’en était-il des raisons l’ayant incité à quitter l’école, à devenir un rappeur, ou encore à cesser de vendre du crack? Voilà ce qui m’intéressait. Je n’ai pas spécialement voulu faire un film hip hop, mais bien un film contenant du hip hop. »

Ce faisant, George Tillman promène sa caméra dans l’envers du décor, sur les pas d’un gamin happé par la rue dont il saura, mieux que quiconque peut-être, restituer la vibration toute particulière, ses rimes et son phrasé épousant le pouls de la ville. Se pose naturellement au passage la question de la complaisance – inévitable eu égard à l’identité des producteurs du film. « J’étais un peu soucieux à l’idée que Voletta soit présente sur le plateau chaque jour. Mais elle m’a précisé d’emblée qu’elle souhaitait montrer les bons et les mauvais côtés. Elle ne savait rien du comportement de son fils avec les femmes, par exemple, ou de la période où il dealait, et a été surprise de voir ce par quoi il était passé, mais elle m’a laissé le champ libre. » Quant à Puff Daddy, producteur exécutif du film, et celui qui lança Notorious B.I.G.? « Nous nous sommes rencontrés à Hollywood, et il m’a demandé quelle histoire j’avais l’intention de raconter, ayant lui-même beaucoup à perdre dans le film. A partir du moment où je lui ai dit vouloir m’en tenir à la vérité, il a respecté mon point de vue, même si nous n’étions pas d’accord sur certaines choses. Quand on a commencé à tourner et qu’il a vu Derek Luke, sa représentation à l’écran, c’était bon pour lui… » L’acteur clé du film, c’est toutefois Jamal Woolard, incarnation mimétique de Christopher Wallace, dans une prestation venue renforcer le parfum d’authenticité du film. « J’ai d’abord cherché un véritable acteur à Hollywood. 20 ans avant, cela aurait été simple, Forest Whitaker aurait pu le jouer. Mais là, impossible de trouver quelqu’un qui réunisse les qualités requises. Nous sommes donc partis pour New York, et Jamal s’est présenté. Voletta Wallace a apprécié sa personnalité – ce fut le premier élément pour faire de lui Christopher. »

De la côte Ouest à la côte Est, voilà qui évoque la rivalité à l’£uvre dans le film, et cristallisée autour des personnalités de Tupac et Notorious B.I.G., abattus à quelques mois d’intervalle. « Difficile de ne pas s’interroger sur la motivation de cette rivalité entre côte Est et côte Ouest, ni sur le rôle qu’ont joué les médias dans la séparation de ces 2 types qui étaient auparavant amis. Concernant l’assassinat de Biggie, ce dont je suis sûr, c’est que c’est l’£uvre d’un professionnel, armé par une grosse organisation. » Et le titre de son second album, Life After Death, de prendre un relief amèrement ironique: « il l’a intitulé comme cela parce que Ready to Die , son premier opus, c’était Notorious jeune; là, c’était un nouveau Notorious, qui voulait vivre. » Pour se voir, tragiquement, voué à l’immortalité…

Entretien Jean-François Pluijgers, à Berlin.

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