La méthode Suzuki

Le Vagabond de Tokyo
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Jim Jarmusch et Quentin Tarantino ont chanté ses louanges. Et il aura tourné presque jusqu’au bout d’une carrière longue d’un demi-siècle et d’une vie de 93 ans. Seijun Suzuki reste pourtant moins connu que ses contemporains Oshima et Imamura, avec qui il a incarné la Nouvelle Vague japonaise au tournant des années 60. L’éditeur de Blu-ray et DVD Elephant a heureusement entrepris de redonner à son oeuvre l’actualité de sorties régulières en version restaurée. Avec aujourd’hui trois nouveaux bijoux tournés entre 1964 et 1966, juste avant la fatidique année 1967 où son très audacieux LaMarque du tueur lui valut d’être licencié par les studios Nikkatsu… jugeant le film « incompréhensible et invendable« . La Barrière de chair, Histoire d’une prostituée et Le Vagabond de Tokyo illustrent de manière différente l’art singulier d’un cinéaste épris de recherche visuelle et de fulgurances volontiers érotiques. Le dernier cité est un film de yakusa (son genre de prédilection) aux allures désinvoltes et où des chansons s’intercalent entre bagarres et fusillades. Le jeu avec les couleurs y est fascinant, comme il l’est aussi dans La Barrière de chair, évocation de la survie de quelques prostituées dans la jungle qu’est Tokyo au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quelques scènes d’une rare cruauté, et d’autres pourfendant tout à la fois le militarisme nippon et l’occupation américaine s’y font remarquer. L’érotisme et la mise en accusation de l’impérialisme japonais se retrouvent dans Histoire d’une prostituée, au noir et blanc sublime. On y suit une jeune prostituée amoureuse d’un soldat durant la terrible guerre sino-japonaise (1937-1945). Comme dans La Barrière de chair, l’actrice Yumiko Nogawa s’affirmeen interprète superbe, d’une éclatante modernité. À noter, en bonus, le témoignage du réalisateur belge Roland Lethem, qui fut le premier à faire connaître Suzuki en Europe.

Coffrets La Barrière de chair (1964), Histoire d’une prostituée (1965) et Le Vagabond de Tokyo (1966). Dist: Elephant Films.

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LOUIS DANVERS

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