CHORÉGRAPHE MANIPULATEUR POUR DARREN ARONOFSKY, VINCENT CASSEL POURSUIT AVEC BONHEUR UNE CARRIÈRE TRANSATLANTIQUE.

Dans un milieu où la langue de bois impose trop souvent sa loi sur le mode « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », le franc-parler d’un Vincent Cassel a des vertus rafraîchissantes. Lui demande-t-on, par exemple, s’il lui est déjà arrivé de travailler avec un metteur en scène aussi manipulateur que le chorégraphe qu’il incarne dans Black Swan, et la réponse fuse: « J’ai détesté cela. C’était Luc Besson, et je ne retravaillerai plus jamais avec lui.  » Constat qu’il assortit d’un compliment à sa façon à l’endroit du réalisateur de Jeanne d’Arc: « C’est un pauvre type. Certains metteurs en scène apprécient vraiment les acteurs, et d’autres font semblant. Je ne pense pas qu’il aime les acteurs. Darren les aime, David Cronenberg aussi, comme beaucoup de réalisateurs, d’ailleurs, qui respectent notre travail, parce que sans acteurs, il n’y a pas de film. »Et de refermer la parenthèse de son mécontentement, l’acteur étant par ailleurs on ne peut plus en verve, alors qu’on le rencontre à la Mostra de Venise.

Darren Aronofsky, Vincent Cassel l’avait découvert à l’époque de Pi: « Je ne me souviens plus de l’histoire, mais là n’est pas le plus important. Je pouvais me sentir lié à ce film comme s’il avait été tourné par une de mes connaissances à Paris.  » Un sentiment conforté lorsque les deux hommes se rencontrent, pour se découvrir de nombreuses affinités: « il vient de Brooklyn et moi de Paris, mais j’ai grandi avec la culture de Brooklyn, Spike Lee, le hip-hop, nous avons des références voisines. Pendant longtemps, mon parcours a été associé à celui de jeunes réalisateurs de ma génération. Bien que Darren soit américain, ce film a constitué la continuation de ce processus: nous avons travaillé ensemble de façon totalement naturelle et organique. »

La suite coulera de source, ou peu s’en faut, en effet, pour un comédien passé, notamment, par l’école de la danse, et s’étant inspiré de chorégraphes pour nourrir son personnage, affuté autant qu’ambigu. Au-delà, Black Swan vient confirmer ce que l’on pressentait déjà, à savoir que Cassel pourrait bien réussir dans une entreprise qui en a vu de nombreux autres se casser les dents, à savoir conduire de front des carrières française et américaine également estimables. « J’ai toujours travaillé sur des films dont je pensais qu’ils me convenaient, en espérant qu’ils voyagent, explique-t-il à ce propos. Et cela s’est vérifié. Les réalisateurs avec qui j’ai travaillé à l’étranger avaient tous vu au moins La Haine, Irréversible et L’appartement. Chaque fois que l’un d’eux m’a engagé, c’est sur foi des films français que j’avais tournés.  »

Une stratégie payante, si l’on considère que sa filmographie aligne notamment, outre Aronofsky, les noms de Steven Soderbergh et David Cronenberg . « Il y a un complexe européen, au nom duquel nous pensons qu’il n’y a pas de place pour nous en Amérique. Mais il est faux de croire que c’est Hollywood d’un côté, et nous de l’autre; en fait, il y a les studios d’un côté, et tout ce qui n’est pas mainstream de l’autre », poursuit un acteur soulignant « n’avoir jamais tourné de film hollywoodien ». Et ne semblant pas devoir en prendre le chemin, en dépit de propositions à répétition: « J’ai toujours refusé, parce que les projets n’étaient pas bons. Dans quoi est-ce que je vais me retrouver? The Fast and the Furious? La vie est trop courte pour que je consacre mon temps à des projets dénués de sens. Il faut être clair avec soi-même: si on n’est là que pour l’argent, il faut faire des choix en ce sens. Moi, je ne fais pas mon travail pour l’argent, il y a les pubs pour cela. Ici, il s’agit de désir, de plaisir, et d’apprendre des choses…  »

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À VENISE

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