Reformé en 2007, Crowded House sort un nouvel album sinueux, prétexte discographique à une rencontre londonienne encore imprégnée du suicide du batteur Paul Hester. Emotions et vies brisées plus souvenirs bruxellois.

Cela devait être en 1987, dans un caberdouche d’Ixelles. Crowded House en showcase enfumé balance ses chansons aux accents circonflexes, partitions beatlesiennes d’où émerge le tube létal Don’t Dream It’s Over. Sur un podium riquiqui, les musiciens du grand sud (Australie et Nouvelle-Zélande) prennent conscience du magnétisme de la chanson, White Shade Of Pale des années 80. La suite s’annonce, de fait, éclatante. Mené par Neil Finn, songwriter tactile et chanteur accompli, Crowded House réalise plusieurs albums mondialistes, infiltre le lucratif marché US, tourne sans fin, avant de se disperser en 1996, élimé par les contingences du succès. Ce rideau tiré ne crucifie pas forcément les membres du groupe qui, de carrière solo reconnue (Finn) en nouveau parcours dans les médias (Hester), taillent une autre vie. Le batteur Hester, justement, est l’élément fragile: maniaco-dépressif, fissuré par l’échec de son couple, il se suicide en mars 2005. Pendu comme Ian Curtis, Stuart Adamson de Big Country ou Richard Manuel du Band.

Famille dispersée

 » C’est probablement le facteur qui nous a rapproché et a décidé, au final, de recommencer le groupe. » Nick Seymour, 51 ans, bassiste émacié, ne dissimule pas le type de chagrin que le temps n’efface pas. Assis à ses côtés, visage d’ange bourlingueur, le guitariste Mark Hart, né en 1953 au Kansas. Entré dans le groupe comme musicien de studio pour Woodface en 1991, il en devient titulaire 2 ans plus tard. Crowded House est une curieuse famille disloquée qui vit par Skype et les e-mails: Seymour habite à Dublin, Hart à Los Angeles tout comme le nouveau batteur en provenance de chez Beck, Matt Sherrod, le plus jeune du jeu (1968). Finn, maître d’£uvre et architecte, est toujours accroché aux paysages charismatiques de la Nouvelle-Zélande. Là où le groupe a enregistré le nouvel Intriguer sous sa férule de gentil dictateur.

Seymour:  » Neil pense que toutes les chansons qu’il écrit ont des vertus semblables. Il investit tellement de temps dans chaque texte, calibrant au maximum l’émotion induite, qu’il en devient totalement incapable de dire quelle chanson est meilleure que l’autre et donc, d’opérer un choix quand il s’agit de ramener 16 titres aux 10 qui forment l’album. » Mais comment qualifier un groupe qui doit suivre le cheminement d’un seul homme? Mark Hart:  » Vous laissez votre ego à la porte du studio, sachant que Finn est le mec qui écrit, et qu’on est là pour JOUER les morceaux. » Le puzzle est simple: celui qui compose la chanson est supposé la chanter; ce qui revient grosso modo, si on prête attention aux mots, à se déshabiller en public. Un bonus pour les exhibitionnistes qui n’enthousiasme pas les ouvriers de la pudeur à la Seymour:  » Neil a du mal à chanter les textes des autres, même s’il fait une exception pour les chansons écrites par Paul (Hester). C’est sa façon de lui rendre hommage. Et puis sa voix constitue le son de Crowded House, donc… »

Nick explique comment, tous les 3-4 mois, il s’est offert un décalage horaire de 24 heures pour rejoindre la Nouvelle-Zélande et travailler avec Neil.  » Auckland, où Neil possède un très beau studio, ressemble à une banlieue des années 70, flanquée d’une architecture assez déprimante. C’est à l’opposé d’une ville de caractère: je suis australien mais je vis depuis 13 ans à Dublin, ville vieille de 1000 ans dont la culture est très paroissiale. La Nouvelle-Zélande ressemble à un film, au Seigneur des Anneaux (qui y a été tourné, ndlr), mais offre la possibilité d’aller surfer et de me bousiller le genou, ce que j’ai fait (sourire) ». Bizarrement, ce rébus géographique donne de la bonne musique: des morceaux qui ont le coussin épais des pattes de chat, un truc gommeux qui rassure via une  » chimie » qui, selon Nick Seymour, définit Crowded House.  » En auditionnant les batteurs pour remplacer Paul, on a reconnu chez Matt des vertus, des mérites, que nous partagions. Ses parents étaient tous 2 musiciens et il a emporté tout cela dans son jeu et sa connaissance profonde de la musique. Reformer Crowded House en 2007 revenait aussi à tenter de satisfaire les ambitions que nous avions, que j’avais, de devenir un groupe réellement mondial. Après la mort de Paul, je me suis demandé si sa dépression, ses changements d’humeur, avaient été stimulés par la célébrité du groupe. J’ai eu l’impression qu’il savait être un petit poisson dans un grand réservoir même si l’Australie est un pays suffisamment grand pour qu’un musicien puisse y gagner sa vie. Paul était un sportif, un battant, je crois qu’il est mort à cause d’une anormalité du cerveau, de jonctions dysfonctionnelles entre ses neurones, à un moment précis de sa vie. Depuis l’âge de 17 ans, il a fumé énormément de marijuana, ce qui n’a pas aidé…  » Et là, sautant les genres, le sympathique guitariste Mark Hart demande ce que je pense… des Wallons. C’est le scoop de Focus: Mark a fait un gamin avec une Belge prénommée Sylvie -ex-attachée de presse chez EMI- et est donc un peu de chez nous aussi… l

u En concert ce 18 juin à Forest National

Rencontre Philippe Cornet, à Londres

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