ÉGÉRIE LÉONINE D’UN CINÉMA SANS FRONTIÈRES, VALERIA GOLINO INCARNE LE FANTASME DE JEUNESSE FURTIVEMENT RETROUVÉ PAR JEAN-PIERRE BACRI DANS LA VIE TRÈS PRIVÉE DE MONSIEUR SIMDANS LES SALLES.

Quasi quinqua à la voix rauque goudronnée et aux yeux de biche d’un bleu lagon, Valeria Golino a de faux airs de bimbo italienne des années 80 sur le retour, talons hauts et sac à main Prada en option, lançant des « Ciao bello! » à la volée, alors qu’on la retrouve en plein cagnard dans les jardins de la mythique Mamounia à Marrakech. L’occasion de remonter avec elle le fil d’un parcours d’actrice commencé très tôt, et un peu par hasard. « J’allais encore à l’école quand j’ai commencé le cinéma. Je faisais déjà du mannequinat à quatorze ans. Parce que j’étais jolie, voilà. A seize ans et demi, je jouais dans mon premier film. Le cinéma est venu vers moi comme une espèce de vague. Je n’ai jamais pris de cours d’art dramatique. Et il n’y a jamais eu chez moi la volonté de devenir actrice, ce n’était pas programmé. J’ai eu de la chance. Il faut dire que j’ai débuté dans les films de Lina Wertmüller qui, dans les années 70, était l’équivalent d’une Agnès Varda en Italie. L’expérience m’a beaucoup plu. Alors j’ai abandonné l’école, ce qui rétrospectivement m’apparaît quand même un peu fou. Parce que j’aurais pu complètement me planter. » Transalpine née d’un père germaniste napolitain et d’une mère peintre grecque ayant grandi entre la Campanie, Rome et Athènes, Golino parle cinq langues -l’italien, le grec, le français, l’anglais et l’espagnol- et se forge rapidement une carrière internationale assez unique entre l’Europe et les Etats-Unis, où elle perce dès la fin des eighties dans une poignée de films qui comptent, et relèvent des genres les plus divers, du Rain Man de Barry Levinson -et ce baiser accordé dans l’ascenseur d’un hôtel de Vegas à un Dustin Hoffman autiste trouvant la chose « mouillée« – aux parodiques Hot Shots! de Jim Abrahams -où elle est tellement chaude que Charlie Sheen cuit un oeuf et du bacon sur son ventre brûlant- en passant notamment par The Indian Runner de Sean Penn. Mais ce qui restera sans doute comme son plus beau rôle, c’est bien à la maison, en Italie, qu’elle le trouve, avec le miraculeux Respiro d’Emanuele Crialese (2002), en jeune mère impulsive taxée de folie par les vieux esprits insulaires de Lampedusa.

Libre et buissonnière

Comédienne tout-terrain et résolument sans frontières à la tignasse fauve qui se présente comme « définitivement cinéphile« , elle multiplie les casquettes, réalise un court (Armandino et il Madre en 2010) puis un long (Miele en 2013), quand elle ne produit pas. « J’ai récemment passé deux mois à Liège. Avec mon mari (Riccardo Scamarcio, acteur notamment de Mon frère est fils unique ou Le Premier qui l’a dit, NDLR),on y a coproduit un long métrage italien à sortir prochainement avec les frères Dardenne et Les Films du Fleuve, Pericles, un film de genre ancré dans une certaine réalité sociale. Liège est une ville très cinématographique (sic), avec une atmosphère assez dark. Une bonne alternative à Naples, que l’on a trop vue au cinéma s’agissant de ce type de projets.  »

Ces jours-ci, l’actrice, qui remportait encore la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la dernière Mostra de Venise pour son rôle dans Per amor vostro de Giuseppe Mario Gaudino, apparaît dans La Vie très privée de Monsieur Sim (lire la critique dans Focus du 11/12), le dernier film de Michel Leclerc (Le Nom des gens, Télé gaucho), où elle campe brièvement un ancien amour de jeunesse d’un Jean-Pierre Bacri à la dérive. « Ce rôle, je l’ai accepté pour ça. Pour travailler avec Bacri, dont je suis complètement fan. Il y a quelque chose d’unique, d’immédiatement mémorable chez lui. Rien que sa gueule, déjà. Et puis sa qualité d’interprétation. Trois jours de travail avec lui, ça ne se refuse pas. On s’est énormément amusés ensemble et puis avec Michel Leclerc aussi, qui est quelqu’un de très doux, de très accueillant. On a ri comme des fous. Ça ne me dérange pas de jouer des petits rôles comme celui-là à partir du moment où j’en ressens l’envie. Même si c’est plus difficile à faire exister, à emmener vers quelque chose de tridimensionnel. Et puis je m’en fiche si les gens s’étonnent de ne me voir que furtivement dans un film. Et alors? J’ai 30 ans de carrière derrière moi, je n’ai plus rien à prouver. »

RENCONTRE Nicolas Clément, À Marrakech

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