La crise? C’est son genre, au fond, peut-être même sa raison d’être. Il le prouvera cette année encore au BIFFF, où – une fois de plus – il fera bon avoir peur et s’émerveiller.

eur petite entreprise connaîtra-t-elle la crise? Les organisateurs du BIFFF (Brussels International Fantasy Film Festival du 9 au 21 avril à Tour et Taxis) savent que leur manifestation, si elle reste une référence et un grand rendez-vous populaire, n’échappera pas aux coupes sombres qu’entraîne le retrait frileux de sponsors en pleine quête d’économies… Mais si les frères Delmote ne cachent pas un stress peut-être plus grand que d’ordinaire à la veille du festival ( » Il faut surtout rentrer dans les frais! », constate lucidement Guy), leur passion commune les fait rejeter l’idée que le genre fantastique lui-même puisse entrer dans une crise de production.

 » Nousvoyons autant de films que les années précédentes pour faire notre sélection, commente Georges , et rien ne laisse présager une chute de la production. Celle-ci se partageant évidemment entre gros budgets aux ambitions populaires – dont le succès ne se dément pas -, et « petits » films plus libres et pointus réalisés avec des budgets de toute façon modestes. » Grands tournages orientés vers un large public d’une part, économie parallèle grouillant de passionnés de l’autre. On connaît la double nature de la production fantastique, et elle devrait permettre au genre d’assurer sa pérennité en résistant mieux que d’autres sans doute. Parce que chez les « gros » le succès des films fantastiques et leur part dans le gâteau du box-office ne cesse de croître. Et parce que chez les « petits », l’investisseur – souvent un peu cow-boy – sait qu’il sera toujours plus rentable de miser sur ce genre plutôt que sur tout autre, vu l’impressionnante quantité d’amateurs répartis dans le monde et qui seront « clients » en salles, en DVD ou même sur Internet.

Contagion

Au plus haut niveau des studios américains comme à celui, plus modeste, des producteurs d’autres pays, on a bien évidemment conscience de l’impact chaque jour plus manifeste du genre. Le fantastique a très largement infiltré le cinéma populaire et dominant. Et il l’a fait à tous les niveaux. Celui du public adulte, évidemment, en trustant les succès commerciaux et en atteignant même la planète Oscars avec la statuette octroyée – à titre posthume – au regretté Heath Ledger pour sa performance hallucinante de Joker dans The Dark Knight. Celui du public adolescent, déjà territoire conquis depuis belle lurette dans sa déclinaison masculine, est désormais séduit jusque dans sa composante féminine avec le succès de films sombrement romantiques comme Twilight. Et le fantastique, comme la science-fiction d’ailleurs, triomphe aussi dans le cinéma pour enfants, où les méchantes sorcières de jadis ont laissé la place à des monstres aussi nombreux que généralement sympathiques. Coraline, le film d’ouverture du BIFFF, en offre une nouvelle preuve tout en confirmant l’immense talent de ce maître de l’étrange adapté au jeune public qu’est Henry Selick.

Georges Delmotte souligne que cette réussite s’accompagne actuellement d’un retour de l’humour dans le genre.  » Il y a dans notre sélection une dizaine de films aux accents humoristiques, ce qu’on n’avait plus vu depuis longtemps« , précise-t-il en constatant un évident mouvement de balancier qui s’explique facilement. Sur les brisées du déjà décalé Scream, et l’avènement de parodies façon Scary Movie, le cinéma fantastique avait joué le second degré comme atout majeur durant quelques années, avant que des films plus violents et même cruels (les Saw, Hostel et autres Motel, plus un paquet de « remakes » des classiques du « gore ») ne viennent rétablir le genre dans sa vocation à faire hurler de peur. Le retour de la comédie remarqué au BIFFF n’étant rien d’autre qu’une respiration logique après une période éminemment sanglante et parfois même sadique.

Crise ou pas crise?

Les frères Delmote ne voient donc pas venir de crise majeure au sein même du genre. D’autant que de nouvelles tendances émergent,  » comme l’horreur extrêmement réaliste pratiquée par certains films latino-américains comme l’argentin I Will Never Die Alone (photo).  » Et puis, après tout, la crise n’est-elle pas carrément constitutive du genre? Crise sociale, crise existentielle, crise du monde comme dans les films de zombies souvent très porteurs d’une réflexion politique latente, et corps en crise comme dans les £uvres d’un Cronenberg, d’un Tsukamoto? Poser la question, c’est déjà y répondre. Et il suffit de se rappeler que la grande crise économique du début des années 30 vit naître la très fameuse série des films fantastiques de Universal ( Frankenstein, Dracula, The Mummy, The Invisible Man, entre autres), pour se demander quelle nouvelle vague de films va forcément se nourrir de celle où nous nous débattons aujourd’hui… l

www.BIFFF.net

Texte Louis Danvers

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