Née sous X – Tim Pilcher met la BD érotique À nu. Un livre qui Échauffe les sens. Mais lÈve surtout le voile sur la richesse de cette branche mÉconnue du 9e art. Enfants non admis.

De Tim Pilcher, Éditions Tabou, traduit de l’amÉricain, 192 pages.

La littérature a son marquis de Sade, le cinéma ses franchises Emmanuelle, et la bande dessinée ses Robert Crumb, Bill Ward, Will Elder, Guido Crepax ou encore Jean-Claude Forest. Point commun de cette joyeuse ribambelle: un coup de crayon coquin – voire carrément lubrique – et du talent à revendre. Ce qui ne les a pas empêchés de végéter le plus souvent à la marge de la marge, loin des projecteurs du politiquement correct. Quelques-uns ont pourtant connu la postérité en s’aventurant sur des pentes – un rien – moins glissantes. A l’image de Robert Crumb, satrape hors pair mais aussi auteur de pochettes de disques (pour Janis Joplin notamment) et figure emblématique de la culture underground des seventies.

Comme tout ce qui touche au sexe, la BD érotique n’a pas toujours eu bonne presse. Elle est d’ailleurs encore souvent considérée comme une décrépitude d’un art, le 9e, lui-même longtemps regardé de travers par les aristocrates du bon goût artistique. Pour prendre une image, les planches déshabillées sont à la bande dessinée ce que le roman S.A.S. du prolixe Gérard de Villiers est à la littérature. Un objet obscène, vulgaire, juste bon à émoustiller les faibles d’esprit ou les beaufs incurables.

Liaisons dangereuses

Grosse erreur. La BD (s)explicite ne se limite pas aux cartes postales à grosses poitrines et strings lilliputiens qui fleurissent sur les échoppes des stations balnéaires à la belle saison. Ce n’est là que la partie émergée, et pas la plus recommandable, de l’iceberg. Même si elle ne fait pas toujours dans la dentelle, elle a une histoire, une âme et même parfois de l’esprit. Il suffit de goûter la verve ravageuse cachée derrière le trait élégant de Don Flowers pour s’en convaincre. Sans parler évidemment de la faculté de ces strips(-tease) à mobiliser les sens et à brûler au troisième degré la mémoire. Lire à la dérobée quelques pages de Manara à l’adolescence vous fait avancer de 5 cases sur le chemin de l’émancipation…

Dans le panorama qu’il consacre au chapitre libidineux de la bande dessinée, Tim Pilcher remet les pendules à l’heure. Le monde de la BD érotique est certes parfois insipide et platement lubrique, mais souvent aussi génialement subversif et formellement irrésistible. Les dessins de Magnus ( Les 110 Pilules) donnent le tournis. Les meilleurs représentants de ce courant alternatif ne se limitent d’ailleurs pas à truffer leurs planches de verges en érection et de bombes sexuelles accommodantes. L’humour vitriol et la satire sociale sont souvent de la partie.

Pilcher ne vise pas l’exhaustivité. Il assume une bonne dose de subjectivité, picorant dans l’abondante littérature les meilleurs morceaux. D’où une surreprésentation des auteurs américains, de Jack Cole à Wallace Wood, qu’il connait sur le bout des doigts. Des cartoonistes brillants certes mais qui laissent du coup peu de place à leurs confrères européens. Manara manque même à l’appel. A moins que Pilcher en a volontairement gardé sous le pied pour le second volume à paraître dans le courant de l’année, où il déshabillera cette fois les auteurs contemporains.

Les origines, les premières esquisses paillardes, les pin-up, les pionniers, la bande inspirée de Playboy, la Barbarella de Forest, l’âge béni des années 70 et 80… Tim Pilcher brasse large. Avec un enthousiasme très hot.

Laurent Raphaël

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